par le nouvel éclectisme. Le droit, je dis plus, le devoir philosophique par excellence, suivant Descartes, de ne rien accepter que sur l’évidence, c’est-à-dire après examen critique et dans tous les sens, était ou paraissait sacrifié à un besoin tout pratique de se mettre d’accord avec l’opinion commune. On fournissait ainsi aux adversaires une arme facile dont ils ont usé et abusé jusqu’à satiété ; on leur donnait en apparence le droit d’opposer le spiritualisme à la science ; ce qui, dans un temps où la science elle-même allait devenir à son tour une sorte de religion, était préparer au spiritualisme les plus fâcheuses épreuves.
Il en était de même de la tentative exagérée de mettre d’accord la philosophie et la religion. Victor Cousin avait raison sans doute, au point de vue pratique, de chercher un terrain commun sur lequel les deux puissances pussent s’entendre, et la distinction du naturel et du surnaturel est, en effet, la vraie base sur laquelle, sans attenter à la liberté de conscience, on peut fonder un enseignement neutre et laïque ; car l’église elle-même, en admettant cette distinction, n’a rien à objecter théologiquement contre un enseignement philosophique purement rationnel, pourvu qu’il ne soit pas agressif contre l’église. Mais de cette règle pratique faire une sorte de règle théorique, interdire à la philosophie comme science ce qui n’est défendu qu’à la philosophie enseignante, chercher surtout, et avec une préférence affectée, l’expression vraie du spiritualisme dans les philosophes chrétiens, sans faire jamais, à la vérité, acte d’adhésion explicite au dogme, mais en exprimant toujours le désir qu’il ne fût pas touché au dogme, c’était donner à la philosophie l’apparence d’une auxiliaire de la religion, c’était autoriser l’accusation de vouloir fonder une orthodoxie laïque, sorte de vestibule de l’orthodoxie religieuse. Or une telle entreprise, au moment même où l’orthodoxie religieuse elle-même devenait de plus en plus étroite, où l’église manifestait l’intention évidente de ressaisir la société, où elle éliminait successivement de son sein tous les élémens libéraux, où, réactionnaire sur elle-même, elle rétrogradait non-seulement au-delà de Lacordaire et de Montalembert, mais au-delà de Bossuet et de Descartes, toutes ces concessions autorisaient les adversaires à confondre sous le même nom d’orthodoxie et le spiritualisme et le cléricalisme le plus absurde. C’était faire les affaires des adversaires de tout spiritualisme. Quelle est, en effet, la tactique de ceux-ci ? C’est d’éliminer du terrain philosophique et scientifique le spiritualisme lui-même comme une branche de l’orthodoxie religieuse ; c’est de lui ôter les droits et les titres d’une philosophie ; c’est de le confondre avec les adversaires éclairés ou non de toute libre pensée et, en particulier, avec