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Page:Revue des Deux Mondes - 1884 - tome 62.djvu/21

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c’est-à-dire de l’Angleterre et de la Hollande. Au moment où les armées de ces deux états se massaient sur les frontières d’Allemagne, une telle décision, si elle ne les autorisait pas expressément à les franchir, n’était pas faite non plus pour les décourager[1].

Cette triste défaillance était la suite naturelle du défaut d’élasticité et d’énergie qui paralysait tous les rouages de la vieille machine impériale ; mais il n’est pas douteux que la méfiance inspirée par la politique cauteleuse et capricieuse de Frédéric contribuait encore plus que toute autre cause à un résultat si contraire à ses vues. Personne ne s’était soucié de remettre entre ses mains des forces dont on ne pouvait ni prévoir ni deviner l’usage qu’il comptait faire. Ce sentiment de réserve était si général, tellement répandu dans les partis les plus opposés, chacun croyait avoir tant de sujets de se plaindre dans le passé, tant de motifs de se mettre en garde pour l’avenir, que cette sympathie sur un point unique établissait entre les adversaires les plus déclarés des rapprochemens inattendus. C’est ainsi que Hyndford et Valori s’étaient empressés d’écrire, chacun de leur côté, dans des termes qui ne dicteraient guère, qu’il n’y avait rien à attendre de bon d’une armée soi-disant de neutralité dont le roi de Prusse aurait le commandement. « On dit, écrivait Valori, qu’il a offert 30,000 hommes pour cette prétendue armée d’observation. Si cette offre avait lieu et qu’elle fût acceptée, ne pensez-vous pas, monseigneur, que ces 30,000 hommes seraient fort à charge à quelque parti qu’ils soient portés, et peut-être d’une médiocre utilité pour la cause qu’ils sembleraient embrasser ? .. En tout cas, s’il fait marcher des troupes, ce sera dans le cas où il pourra les faire vivre aux dépens d’autrui. » Hyndford était naturellement plus défiant encore : « Personne ne croira, disait-il à Podewils, à votre neutralité : le plus grand prince d’Europe ne peut pas arrêter la fama clamosa, quand sa conduite a donné lieu à tous les soupçons. Si la diète assemble une armée et si on y voit seulement l’uniforme bleu d’un soldat prussien, toute l’Europe regardera ce fait comme la violation manifeste de votre traité avec la reine de Hongrie[2]. »

  1. Droysen, t. II, p. 36-44, 55-57, 60-62, 71-73, — Pol..Corr., t. II, p. 302, 313, 320, 324, 327, 329, 332, 339, 351, 360, 361. — D’Arneth, t. II, p. 207, 210. — Hyndford à Carteret, 16 février 1743. — Carteret à Hyndford, 1er mars 1743. (Correspondance de Prusse. Record Office.) — Carteret à Robinson, 13 mars 1743. (Correspondance de Vienne. Record Office.) — Rescrit impérial du 6 mars 1743. (Correspondance de Bavière, Ministère des affaires étrangères.) — Blondel à Amelot, 14, 15 mars, 1er avril, 18 mai 1743. (Correspondance d’Allemagne. Ministère des affaires étrangères.) — Bussy à Amelot, mars 1743. (Correspondance d’Angleterre. Ministère des affaires étrangères, ) — De Sade à Amelot, 21 janvier 1743. (Correspondance de Cologne.)
  2. Valori à Amelot, 21, 29 janvier 1743. (Correspondance de Prusse. Ministère des affaires étrangères.) — Hyndford à Carteret, 12 février 1743. (Correspondance de Prusse. Record Office.)