Page:Revue des Deux Mondes - 1884 - tome 62.djvu/20

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

désormais assurées à l’Autriche, la majorité dépendait exclusivement des trois archevêques. Ceux-là, en suivant la fortune pour se rapprocher de Marie-Thérèse, obéissaient à leurs tendances naturelles. Le seul qui hésitât encore était l’archevêque de Cologne, moins en raison de sa qualité de prince de Bavière et de frère de l’empereur, que par suite de l’ascendant qu’avait su prendre sur lui, on l’a vu, l’aimable ministre de France, le comte de Sade. Mais cette fois, en présence du scandale causé par l’atteinte que Frédéric avait portée aux droits des principautés ecclésiastiques, de Sade lui-même dut se reconnaître impuissant, et l’électeur se déclara prêt à aller combattre de sa personne, à la diète, tout plan qui serait l’œuvre d’un prince aussi suspect que le roi de Prusse. Tout ce que le plaisant diplomate put obtenir, ce fut de retarder ce départ en organisant une représentation théâtrale où le prélat lui-même dut prendre un rôle, en compagnie d’une dame qui prétendait à lui plaire. La pièce choisie n’était autre que Zaïre, la nature du sujet faisant oublier le nom de l’auteur. La fête devait d’abord avoir lieu pendant les jours gras, et de Sade écrivait à sa cour : « Nous voilà en sûreté pour le carnaval, mais nous nous brouillerons en carême. Pour Dieu, tirez-moi d’ici ! » Il réussit pourtant à prolonger jusqu’à Pâques, l’électeur s’étant laissé persuader que Zaïre était une pièce assez édifiante pour qu’on pût la jouer même en temps de pénitence. Mais une fois la semaine sainte passée, rien ne put plus le retenir, et de Sade, désespérant de son crédit, au lieu de l’accompagner à Francfort, demanda lui-même un congé pour retourner en France.

Plus nombreux et plus divisés que le collège des électeurs, les deux autres, celui des princes et celui des villes, n’étaient guère, au fond, mieux disposés. Seulement, il n’entrait pas dans les habitudes de la diète de refuser directement ce qu’on lui demandait. Éluder, ajourner, se perdre dans des longueurs interminables et dans des détails infinis de procédure, ce mode de résistance passive convenait mieux à son tempérament. La haute assemblée ne se fit pas faute, cette fois, de l’employer. Convoquée au milieu de mars, elle n’avait pas encore commencé à délibérer quand la mort de l’archevêque de Mayence, qui la présidait, fournit un prétexte tout naturel pour interrompre les séances. On ne les reprit qu’après un délai d’un mois, lorsque la vacance du siège eut été remplie par un choix cette fois très ouvertement pris parmi les, serviteurs les plus dévoués de l’Autriche. Alors seulement, après une délibération longue et pénible où les envoyés de la Prusse se déclarèrent presque seuls pour les partis de vigueur, on aboutit à un conclusum très confus, exprimant des vœux stériles pour le rétablissement de la paix et invoquant la médiation des puissances maritimes,