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Page:Revue des Deux Mondes - 1884 - tome 62.djvu/231

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CHRONIQUE DE LA QUINZAINE.




29 février.


Un des malheurs du temps présent, c’est que tout marche au hasard, sans direction et sans suite, dans un monde où les affaires extérieures comme les affaires intérieures des peuples semblent livrées à une fortune aveugle, aux jeux de la force ou aux fantaisies, aux violences de l’esprit de parti. Et, s’il faut à tout prix se consoler, on peut dire sans doute que ce mal, ce phénomène, si l’on veut, n’est point particulier à la France autant que voudraient le laisser croire les détracteurs ordinaires de notre pays. Il règne sous des formes différentes, à des degrés divers, dans la plupart des pays de l’Europe, où ce qu’il y a de plus rare, c’est de savoir où l’on va.

L’Allemagne elle-même, la victorieuse Allemagne, n’a-t-elle pas ses troubles profonds et ses incohérences intimes qui se manifestent parfois dans sa vie publique, qui se traduisent par des conflits sans issue ? L’nomme qui la dirige et la gouverne, si puissant qu’il soit, est-il bien sûr d’être dans le vrai chemin, de voir clair devant lui, de ne pas faire tout simplement un amalgame de réminiscences surannées et d’innovations hasardeuses, avec son socialisme d’état destiné à combattre ou à neutraliser le socialisme des partis et des sectes ? L’Autriche, de son côté, cherche une sauvegarde dans ces lois exceptionnelles et dictatoriales qui viennent d’être discutées et votées en toute hâte, ces jours derniers, par son parlement, qui attestent du moins qu’elle se sent, elle aussi, menacée du danger socialiste. Guerre du prolétariat, guerres de nationalités, guerres de religion, l’Autriche