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fortune qui gouverne la république. Entre elle et la masse des prolétaires se trouvent la bourgeoisie aisée et la plèbe industrieuse ; c’est un monde intermédiaire qui s’enrichit et s’élève sans cesse et qui cherche à prendre pied dans la politique. Il est évident qu’on ne pouvait pas s’y passer d’une certaine éducation ; elle se donnait ordinairement dans les écoles. Il a dû toujours y avoir des écoles à Rome ; les historiens en font quelquefois mention, mais sans nous donner beaucoup de renseignemens sur elles. Tout ce qu’on peut dire, c’est qu’elles étaient vraisemblablement communes aux deux sexes et que l’instruction qu’on y donnait devait être fort élémentaire.

Plus tard, quand les professeurs grecs se furent établis à Rome, les anciennes écoles continuèrent d’exister, mais elles ne formèrent plus qu’un degré inférieur de l’éducation. C’était sans doute quelque chose qui ressemblait à ce que nous appelons l’instruction primaire. Les anciens n’avaient pas l’habitude de distinguer aussi nettement que nous le faisons les divers ordres d’enseignement ; cependant on trouve, dans les Florides d’Apulée, un passage curieux où il semble créer entre eux une sorte de hiérarchie : « Dans un repas », dit-il, « la première coupe est pour la soif, la seconde pour la joie, la troisième pour la volupté, la quatrième pour la folie. Au contraire, dans les festins des Muses, plus on nous sert à boire, plus nôtre âme gagne en sagesse et en raison. La première coupe nous est versée par le litterator » (celui qui nous apprend à lire), « elle commence à polir la rudesse de notre esprit. Puis vient le grammairien, qui nous orne de connaissances variées » ; « enfin le rhéteur nous met dans la main l’arme de l’éloquence ». Voilà trois degrés d’instruction qui sont indiqués d’une manière assez précise. Ce « litterator », chez qui l’on envoie l’enfant quand il ne sait rien et qui se charge de commencer à l’instruire, saint Augustin l’appelle aussi « le premier maître, primus magister ». Quelques-uns de ses élèves passent de son école chez le grammairien ; mais beaucoup ne vont pas plus loin et n’auront jamais d’autres connaissances que celles qu’il leur a données. Comme cet enseignement élémentaire ne paraît pas avoir changé dans la suite ; épuisons ici, avant d’aller plus loin, ce qu’on en peut savoir : on verra que, par malheur, ce que nous savons se réduit à peu de chose.

Qu’apprenait-on dans l’école du « premier maître » ? — À lire, à écrire, à compter, nous dit saint Augustin. Ces connaissances, les plus nécessaires de toutes, sont partout-le fond de l’instruction populaire. Si elles sont très utiles, elles sont fort modestes aussi, et l’on comprend que les maîtres qui les enseignaient n’aient joui, chez les Romains, que d’une médiocre estime. On ne leur permet-