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Page:Revue des Deux Mondes - 1884 - tome 62.djvu/330

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fleurs. L’école est entièrement ouverte ; aussi des enfans du dehors en profitent-ils pour regarder ce qui s’y passe. Trois écoliers sont assis sur un banc ; ils ont de longs cheveux, une tunique qui les enveloppe jusqu’aux pieds, et tiennent sur leurs genoux leur « volumen », qu’ils ont l’air de lire avec beaucoup d’attention. Devant eux, un homme se promène d’un air grave ; sa figure est encadrée d’une grande barbe, ses mains se cachent dans un petit manteau. C’est le maître sans doute ; à sa mine renfrognée, nous reconnaissons celui dont Martial dit qu’il est en horreur aux garçons et aux filles, invisum pueris virginibusque caput. À l’autre extrémité du tableau, on fouette un écolier récalcitrant. Le malheureux est dépouillé de tous ses vêtemens ; il ne porte plus qu’une mince ceinture au milieu du corps. Un de ses camarades l’a hissé sur son dos et le tient par les deux mains ; un autre lui a pris les pieds, tandis qu’un troisième personnage lève les verges pour frapper[1]. Le fouet et les verges étaient fort employés à Rome, et l’usage en a duré depuis le temps de Plaute jusqu’à la fin de l’empire. Quintilien seul fit entendre, à ce sujet, une réclamation timide : « Quant à frapper les enfans », dit-il, « quoique Chrysippe l’approuve et que ce soit l’usage, j’avoue que j’y répugne ». Mais Chrysippe l’emporta, et Ausone nous dit que, de son temps encore, « l’école retentissait des coups de fouet ».


III

Voilà ce que nous savons de l’instruction populaire dans l’empire romain ; c’est peu de chose, comme on voit. Heureusement nous sommes mieux renseignés sur celle des hautes classes de la société. Non seulement elle est plus facile à connaître, mais nous trouvons cet intérêt à l’étudier, qu’elle nous montre comment les Romains ont été amenés à concevoir l’idée d’un enseignement public donné au nom de l’État. Ils en étaient d’abord fort éloignés et n’y sont venus que peu à peu par la force des choses plus que par un système préconçu. Il est intéressant de voir ce qui les y a conduit, et le chemin qu’ils ont suivi pour y arriver.

On sait qu’à partir des guerres puniques, les Grecs ont envahi Morne. Parmi les aventuriers de toute sorte qui venaient offrir leurs services aux Romains, les professeurs ne manquaient pas. Il s’y trouvait des rhéteurs, des grammairiens, des philosophes, des musiciens, des maîtres de toutes les sciences et de tous les arts. Tous ne furent pas accueillis avec la même faveur : il y a des sciences que les

  1. Cette peinture a été étudiée avec beaucoup de soin par Otto Jahn, dans un travail que contient le douzième volume des Mémoires de la Société royale de Saxe.