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actions, d’en acheter deux cents au pair et de payer comptant 40,000 livres avec stipulation que cette somme serait perdue pour lui s’il ne remplissait pas son engagement dans un délai prochain et déterminé[1]. Ce mode d’opération fit d’autant plus de bruit et produisit d’autant plus d’effet qu’il était nouveau et encore inconnu ; mais ici celui qu’on a souvent représenté comme un hardi novateur et un profond économiste n’est qu’un spéculateur, et la grande innovation dont il enrichit la France est le marché à prime.

Au commencement de 1719, la compagnie d’Occident tint sa première assemblée générale : le régent, le duc de Chartres, le duc de Bourbon, le prince de Conti, des maréchaux et des grands seigneurs vinrent témoigner, par leur présence, de l’intérêt qu’ils portaient à la société et de la protection qui lui était assurée. On annonça aux actionnaires que la compagnie venait d’acheter 1,600,000 livres le privilège du Sénégal avec tout son matériel, qui comprenait un fonds considérable de marchandises et onze vaisseaux à la mer : malgré cette dépense et celle qu’il avait fallu faire pour la régie des tabacs, il restait en caisse 3,577,697 livres et la compagnie avait en marchandises destinées à la colonie 548,000 livres et 220,000 liv. en peaux de castors : on avait déjà reçu 96 milliers de tabac de la Louisiane qui se trouvait supérieur à celui de la Virginie et on était informé que la production de la soie réussissait. Plusieurs résolutions furent prises en vue de développer encore les opérations et d’accroître les profits. Cette situation favorable, qu’on eut soin de publier, affermit et éleva le cours des actions.

Law préparait ainsi la transformation plus complète de la compagnie. d’Occident. Un édit de mai 1719 supprime les compagnies des Indes orientales et de la Chine et les réunit à celle d’Occident, qui s’appellera désormais la Compagnie des Indes. — Elle aura, pendant la durée de sa concession, le privilège de négocier seule depuis le cap de Bonne-Espérance jusque dans les mers des Indes orientales, aux îles de Madagascar, de Bourbon et de France, dans la Mer-Rouge, en Chine, au Mogol et au Japon, même depuis le détroit de Magellan dans toutes les mers du Sud. — Pour satisfaire les créanciers de la compagnie d’Orient, tant en France qu’aux Indes, elle pourra faire cinquante mille actions nouvelles (de 500 liv., au capital nominal de 25 millions) qui ne pourront être acquises qu’en argent comptant et en payant 550 livres par action : ces actions seront de même nature que celles qui ont formé le fonds social de 100 millions. Les Français et les étrangers pourront souscrire en payant comptant les 50 livres de prime, et le principal de 500 livres, en vingt mois, par portion égale chaque mois.

  1. Manuscrit du ministère des finances. — Forbonnais, t. II, p. 594.