Page:Revue des Deux Mondes - 1884 - tome 62.djvu/394

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
LA
PRECISION DANS L'ART

ETUDE DE PSYCHOLOGIE ESTHETIQUE

Autrefois il y avait des lois d’esthétique qui paraissaient avoir été fixées pour jamais par ce qu’on appelait la savante antiquité. Ces lois ont régné à travers les siècles, et nul ne songeait à se révolter contre elles ; si on leur désobéissait, ce n’était guère que par impuissance. Elles formaient comme un code sacré, « la législation du Parnasse, » et la critique n’était qu’une sorte de jurisprudence qui confirmait ou expliquait ces lois. Il en était à peu près de l’art comme de la morale, qui était renfermée en de précises règles théologiques. Mais, de même que les nécessités nouvelles de la vie, certains progrès de la science, rompirent les cadres trop fixes de la théologie ; ainsi des sentimens nouveaux, des idées plus étendues, se trouvant de plus en plus à l’étroit entre les barrières du goût traditionnel, finirent par les renverser. Aujourd’hui il n’y a plus dans l’art de lois universellement reconnues. Il n’est plus de critique fondée sur des principes, ou du moins les principes hasardés par les uns sont dédaigneusement rejetés par les autres. Les lecteurs et les spectateurs, dans un théâtre ou dans un musée, peuvent bien dire qu’une chose leur plaît ou leur déplaît (encore ne le savent-ils pas toujours), mais chacun juge selon sa fantaisie du moment et n’essaie même pas de se rendre compte de cette