Aller au contenu

Page:Revue des Deux Mondes - 1884 - tome 62.djvu/428

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

faillit également être la victime d’un assassinat. Le lendemain de son retour à Dordrecht, au commencement de la nuit, quatre inconnus dont l’attitude était suspecte et menaçante vinrent frapper à sa maison en demandant à lui parler d’affaires importantes ; l’entrée leur ayant été refusée à raison de l’heure tardive, ils tentèrent de la forcer. Mais la garde bourgeoise, qui faisait le service de nuit, fut prévenue à temps par les domestiques, auxquels une porte dérobée avait permis de sortir précipitamment pour donner l’alerte ; elle accourut en hâte et fit prendre la fuite aux malfaiteurs, qu’elle ne put arrêter.


II

Ces criminelles tentatives contre la vie du grand-pensionnaire et de son frère devaient servir à précipiter le mouvement général destiné à rétablir la charge de stathouder au profit du prince d’Orange. Cette révolution avait été habilement préparée par les fausses nouvelles qui étaient propagées pour entraîner la population aux derniers excès. « Le bruit de la mort du prince ayant été répandu à Amsterdam, écrivait l’envoyé de l’électeur de Brandebourg, Blaspiel, le peuple se mit dans la plus grande agitation et voulait courir à La Haye pour tirer vengeance de ceux qui lui étaient signalés comme les ennemis de Son Altesse. »

La Zélande donna la première le signal du changement de gouvernement, et ce fut la ville de Ter-Veere, dont le prince d’Orange était le seigneur, qui en prit l’initiative. Le jour même où les blessures reçues par Jean de Witt le mettaient hors d’état de continuer l’exercice de ses fonctions, les habitans de Ter-Veere s’attroupèrent pour aller demander aux membres du conseil de la ville de se prononcer en faveur du prince d’Orange, et ceux-ci, intimidés ou complices, le proclamèrent stathouder. Le mouvement, une fois commencé, se communiqua à toute la province, sans rencontrer aucune résistance : presque partout le peuple ne faisait que prévenir les secrets désirs des régens, qui, sans oser rompre l’accord conclu avec les états de Hollande, étaient tout disposés à se laisser faire violence. La déclaration des états de Zélande en faveur du prince d’Orange était inévitable, quand le soulèvement de la Hollande la rendit superflue.

Quelques jours avaient suffi pour que l’exemple donné par les habitans de Ter-Veere fût suivi par la ville de Dordrecht, qui, plus que toute autre, semblait intéressée à conserver une inébranlable fidélité au gouvernement des états. Elle était considérée comme le fief de Jean et de Corneille de Witt, qui y étaient nés, et qui, soit eux-mêmes, soit par leurs parens et leurs amis, avaient été