Aller au contenu

Page:Revue des Deux Mondes - 1884 - tome 62.djvu/445

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

et de produits, qu’il serait bien difficile de préciser les progrès à faire, surtout d’en dresser la statistique. Au sud, par exemple, les Albanais se refusent à tout travail, la guerre est la seule occupation des hommes, tandis que les Roumains et les Bulgares se prêtent aux labeurs pacifiques. Dans certaines provinces montagneuses, les bois occupent le pays entier ; dans d’autres, les cultures les plus diverses peuvent être tentées, la vigne y pousse à côté du coton, du tabac et de la canne à sucre, les céréales mûrissent auprès des rizières, des troupeaux de tous genres y paissent les plus verts pâturages. Ne recevons-nous pas en France de grands arrivages de vins qu’on appelle vins turcs et vins d’Asie, lesquels sont le plus souvent fabriqués avec des raisins secs venus de cet avant-Orient ? Tous ceux qui l’ont parcouru ne tarissent pas d’éloges sur les bénéfices à retirer de l’exploitation de ces terres, que l’étranger est aujourd’hui admis à acquérir pour des prix minimes, où il trouvera les bras nécessaires à la culture s’il sait respecter les préjugés de race et se plier aux coutumes religieuses. Une seule chose lui est nécessaire, la facilité des communications.

Avant de savoir quelles voies seraient les meilleures pour arriver promptement chez elle, la Turquie s’était préoccupée de satisfaire ses besoins intérieurs et de relier sa capitale à ses frontières. Dès 1869, le gouvernement ottoman avait concédé un réseau de voies ferrées qui, partant de Constantinople et dirigé vers la frontière de la Save, en traversant la Bosnie, devait desservir, soit directement, soit par embranchement, Andrinople, Philippopoli, Énos, Bourgas et Salonique : les concessionnaires avaient aussi le droit de prolonger la ligne de Bourgas jusqu’à Varna. Éventuellement, et sur la demande du gouvernement, une annexe se détachant de la ligne principale, pouvait se diriger vers la frontière serbe. Par Varna on atteignait ainsi la Mer-Noire, par Énos et Salonique les deux rives de l’archipel ; Philippopoli et Andrinople étaient à l’intérieur les annexes de la capitale elle-même.

Toutes ces lignes, mesurant environ 2,000 kilomètres, avaient été concédées à une société anonyme de construction, fondée au capital de 50 millions, qui rétrocéda à forfait les travaux à une société d’exploitation. Pour constituer le capital de premier établissement du réseau concédé, le prix du kilomètre fut évalué en moyenne à 260,000 francs, et tout d’abord le gouvernement accorda à la compagnie une subvention de 28 millions de francs, payable annuellement pendant toute la durée de la concession ; 1,980,000 titres, d’une valeur nominale de 400 francs remboursables par tirages au sort, furent émis pour capitaliser cette annuité ; ils portent le nom de « Lots turcs. » Tous ceux qui s’occupent d’affaires savent le sort de ces titres, dont le gouvernement ottoman a garanti la valeur et