d’oubli, pour une rencontre peut-être inconnue. Que vos vertus impeccables, que le vœu de chasteté prononcé par les religieuses, ne vous empêchent pas, ne les empêchent pas d’ouvrir quelque asile où ces infortunées trouveront le secours matériel et le secours moral dont elles ont besoin. À ces âmes fourvoyées il faut autre chose que le règlement administratif de la Maternité, de la Bourbe, comme elles disent; vous en relèverez plus d’une quand vous y daignerez compatir. Si, pareilles aux dames du Bon-Pasteur, qui vont chercher les brebis malades jusqu’au fond des léproseries, vous ne reculez pas dans l’œuvre de la pitié, si vous tendez la main à la déchéance, si, par la compassion, vous ressaisissez des cœurs que le vice finira par atrophier, vous aurez diminué le nombre des berceaux dans l’hospice des Enfans-Assistés et vous aurez empêché bien des créatures, affolées par une minute d’hallucination, d’aller s’asseoir sur la sellette de la cour d’assises. Vous ferez mieux que saint Vincent de Paul, qui recueillait les enfans abandonnés; vous les sauverez, avant leur naissance, en sauvant leurs mères.
Ce dortoir où la femme n’est point séparée de son enfant est la seule construction neuve de la maison; il est facile de reconnaître qu’il a été élevé en hâte dans l’ancien jardin, dont il occupe la moitié. Ce qui reste du jardin n’est plus qu’une longue allée, grossièrement sablée, où l’on fait sécher le linge, où se promènent quelques poules s’efforçant à découvrir des miettes de pain au milieu des cailloux, sans ombrage, et terminé par un mur décrépit derrière lequel apparaissent les arbres d’un établissement hydrothérapique. C’est moins un jardin qu’un préau; si triste qu’il soit, il a son utilité et peut permettre quelque exercice. Subsistera-t-il longtemps? J’en doute; au nombre toujours croissant de femmes qui viennent crier merci, on comprend que bientôt il disparaîtra et sera remplacé par un nouveau dortoir où les places seront promptement disputées. Les services rendus ont été de telle importance que la réputation de la maison s’est vite répandue dans le monde des désespérées et qu’à la porte la sonnette ne cesse de retentir. C’est hier, cependant, que l’œuvre fut fondée. La première entrée date du 19 novembre 1880. Une institutrice veuve, sans abri, sans pain, a inauguré l’Hospitalité du travail, cela lui a porté bonheur; elle n’y est pas restée longtemps, et la situation dont elle a été pourvue avait de quoi la satisfaire. C’est là ce que cette institution a d’excellent et de véritablement maternel : non contente de s’ouvrir devant les malheureuses, de les hospitaliser, de les nourrir et bien souvent de les vêtir, de leur offrir un repos de trois mois, elle ne s’en sépare qu’en leur donnant une condition où la vie est assurée. Pour les religieuses qui dirigent la maison, pour les femmes