Page:Revue des Deux Mondes - 1884 - tome 62.djvu/603

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

tolérance religieuse. Je me plais à reconnaître l’utilité de cette œuvre... » Et plus loin, répondant à une interpellation d’un de ses collègues : « J’ai constaté que l’œuvre était excellente, je le dis. Qu’elle vienne de droite ou de gauche, une œuvre bonne est toujours bonne, et je ne puis pas ne pas la trouver bonne. » Le directeur de l’assistance publique ajoute : « Le grand avantage de cette œuvre, c’est qu’elle place les jeunes filles et les empêche ainsi de tomber dans la mauvaise voie. Elle est très méritante, et je déclare que, pour ma part, j’en suis jaloux[1]. » C’est là un acte de bonne foi que l’on ne saurait trop approuver; il entraîna le renvoi du projet à la commission. Plusieurs conseillers municipaux voulurent, comme l’on dit, en avoir le cœur net et se rendirent à Auteuil; ils purent parcourir la maison, compulser les registres, prendre les faits sur le vif et voir la charité dans son labeur quotidien. La visite eut un résultat qu’il faut louer sans réserve; deux subventions de 1,000 francs chacune furent accordées par le conseil général et par le conseil municipal à l’Hospitalité du travail. Je sais que les robes noires et les guimpes blanches déplaisent à la libre pensée, mais on a eu le bon cœur et le bon esprit de ne point tenir compte de ce détail et de n’envisager que l’ampleur des services rendus. Qu’importe qui fait le bien, pourvu que le bien soit fait? Le jour où, à son allocation, le conseil munipal ajouterait le dégrèvement des frais d’eau et de gaz consommés dans la pauvre maison, qui est si hospitalière sans considération de secte, d’origine et de provenance, les ressources seraient augmentées d’autant et les malheureuses en profiteraient.

Cette hospitalité serait plus fructueuse encore, et presque sans limites, si l’œuvre était assez riche pour se développer sur un espace suffisant et pour s’outiller d’une façon sérieuse. La supérieure est persuadée qu’elle ferait face à tous les frais et se passerait des subventions, des souscriptions, des offrandes, si elle parvenait à réaliser son rêve, qui est de créer une blanchisserie. L’idée n’est point spécieuse et demande à être expliquée. Parmi les femmes qui entrent à la maison d’Auteuil, il y a des ouvrières, des servantes, des institutrices, nous l’avons déjà fait remarquer ; mais la plupart sont des journalières, c’est-à-dire de pauvres créatures ne sachant aucun métier, qui se disent aptes à tout et ne sont bonnes à rien. Celles-là, auxquelles on n’a pas le loisir d’enseigner la couture, sont employées dans la buanderie; avec le système actuel des lessiveuses et des laveuses mécaniques, une femme peut, sans apprentissage préalable, blanchir le linge convenablement et produire un gain dont profilerait l’œuvre commune. Aujourd’hui, à l’Hospitalité du travail, la buanderie ne

  1. Voir le Bulletin municipal officiel du 29 décembre 1883, page 1838.