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qui peuvent émettre des billets au porteur. Elles sont tenues, elles aussi, de déposer dans les caisses du trésor, jusqu’à concurrence de 90 pour 100 de leur émission, des valeurs d’un titre déterminé. Ce sont généralement des obligations fédérales, et, comme ces obligations sont remboursées successivement par voie de conversion, le nombre en diminue beaucoup, et les banques ont de la peine: à s’en procurer; de plus, ces titres jouissant d’une prime, les banques trouvent à les réaliser et à faire valoir l’argent qui en provient un intérêt presque égal et même quelquefois supérieur à celui que rapportent les obligations avec le droit d’émission; aussi sont-elles peu empressées d’étendre leur circulation, elles la restreignent plutôt, et il y a en ce moment, aux États-Unis, le contraire de ce qui existe dans beaucoup d’états européens, une contraction des billets au porteur; on n’en trouve plus assez pour les besoins et cela constitue un embarras dont on se préoccupe sérieusement. Le président des États-Unis en parlait dans son dernier message et cherchait les moyens par lesquels on pourrait remédier à cette situation. Tout n’est donc pas non plus parfait dans le système des banques au-delà de l’Atlantique.

Ce qu’il y a de certain, c’est que la liberté d’émission n’existe dans aucun grand état de l’Europe; partout il y a le monopole avec des restrictions plus ou moins grandes et une surveillance plus ou moins sévère de la part de l’état. Pourquoi le monopole ? Parce que ce qui est possible dans un petit pays ne l’est pas dans un grand ; dans le petit, on se connaît davantage, on peut mieux apprécier la solvabilité des banques qui émettent des billets au porteur, et l’abus est plus difficile. Dans un grand état, au contraire, où l’on se connaît moins, la surveillance réciproque n’est pas possible, et le gouvernement aurait beau prendre les plus grandes précautions, toutes les banques d’émission répandues sur le territoire n’inspireraient pas la même confiance; on accepterait les billets des unes et on suspecterait ceux des autres; et si, pour plus de garantie, on voulait établir entre elles une espace de solidarité, comme celle qui existe à peu près en Suisse, beaucoup de ces banques préféreraient renoncer à l’émission plutôt que d’encourir cette solidarité : on n’aurait plus alors la circulation fiduciaire qui est nécessaire aux besoins; tandis qu’avec une banque jouissant d’un monopole et ayant des succursales partout, les billets circulent aisément et rendent les services qu’on peut en attendre-. Maintenant, quels sont ces services?

Quand un fabricant a créé une marchandise et l’a vendue à un négociant qui se chargera par lui-même ou par un autre intermédiaire encore de la faire parvenir au consommateur, il y a un