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à laquelle il a, à peu près seul, je crois, attaché une grande importance.


III.

Aucune mesure n’est certaine, mille opérations successives donnent mille résultats différens. Non que l’observateur, de mieux en mieux instruit, corrige ses défauts et s’avance vers la perfection. Il n’en va pas ainsi. Les derniers résultats ne ressemblent en rien à une limite dont on s’approcherait par continuel progrès, les évaluations, tantôt trop petites, tantôt trop grandes, se succèdent en confusion et sans ordre comme des boules blanches ou noires puisées dans une urne.

Bessel, après un siècle écoulé, comparait les observations de Bradley aux résultats connus d’une théorie devenue certaine. En classant les différences, dont le désordre est complet, il trouva, sur 470 observations, 94 erreurs inférieures à un dixième de seconde, 88 comprises entre un et deux dixièmes, puis, successivement, entre deux et trois dixièmes, entre trois et quatre,.. jusqu’à une seconde, la plus grande des erreurs commises par Bradley, les nombres décroissans 78, 58, 51, 36, 26, 14, 10, 7 et 8; si les plus petits sont les plus nombreux, l’honneur n’en revient ni à ce grand observateur Bradley, ni aux constructeurs des instrumens de Greenwich; leur excellence fait la petitesse, non la loi des erreurs ; un instrument médiocre, un observateur moins soigneux, remplaceraient les dixièmes de seconde par des secondes, les secondes peut-être par des minutes; à cela près, tout resterait pareil. La courbe des erreurs en s’étendant conserverait la même forme.

L’origine des erreurs est très diverse. Les unes sont fortuites, l’enchaînement en est infini ; c’est tantôt l’air agité par le vent, tantôt un ébranlement du sol, un nuage qui passe, un rayon de soleil qui trouble l’observateur, tantôt une attention précipitée ou distraite ; le hasard décide, mille causes imprévues se réunissent, ajoutent quelquefois leurs effets, quelquefois les retranchent, suspendent ou reprennent leur action : tout est incertain, tout change, sans inclination dans aucun sens.

Il n’en va pas ainsi des causes permanentes; c’est une balance mal construite, les fils d’une lunette mal placés, un mètre trop court, un chronomètre trop rapide. Les mesures prises sous de telles influences n’entourent plus la valeur exacte, mais une autre, souvent fort différente; une nouvelle série de mesures, sous l’influence