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être faits qu’en billets, excepté pour les appoints ; tout paiement au-dessous de 100 livres peut aussi, d’ailleurs, être fait en billets, et ceux de 10 livres, qui avaient été supprimés, ne pourront être refusés (arrêt du 11 juin).

Tous ces expédiens étaient impuissans pour conjurer la crise qui avait éclaté au commencement du mois de juin et qui allait devenir inquiétante pour l’ordre public. Les mesures violentes prises contre le numéraire en avaient fait porter à la banque, mais elles en avaient fait exporter ou cacher davantage, et la circulation métallique avait beaucoup diminué. Tout le monde avait des billets, et, au lieu de faire prime sur l’argent, ils commençaient à être dépréciés; les marchands, depuis plusieurs semaines, vendaient leurs marchandises plus cher quand elles étaient payées en billets. D’ailleurs, pour les besoins journaliers de la vie, pour les menues dépenses, il fallait avoir des espèces que la banque ne délivrait pas facilement. Après l’arrêt du 21 mai, la grande agitation qui régnait partout avait fait fermer les bureaux de la banque et ils ne se rouvrirent que le 1er juin. Mais on ne remboursa plus que les billets de 100 livres et de 10 livres, et même le matin, sous prétexte que, dans la journée, des commissaires du conseil vérifiaient les caisses : la foule n’en était que plus grande. « Il n’y a pas de jour où il n’y ait quelqu’un d’étouffé ; et dans cette ville de Paris, qui est immense, à peine y a-t-il un sou pour fournir à la dépense de bouche. » Les guichets se refermèrent le 7, toujours à cause de la visite des caisses, et on annonça qu’ils seraient rouverts le 12. Cependant les paiemens en espèces ne furent pas repris le 12 : on déclara que les commissaires du Châtelet, dans chaque quartier, recevraient du numéraire pour changer les billets de 10 livres, et qu’ils couperaient les billets de 100 livres en billets de 10 livres. Alors la foule se transporta chez les commissaires, surtout les jours de marché. Au milieu de juin, « il y a un corps de garde dans chaque marché : on n’entre qu’avec peine chez les commissaires; ils ne paient à chaque personne que trois petits billets de 10 livres; on ne coupe plus les billets de 100 livres qu’à la banque, où il y a une presse à s’étouffer. » Le 29 juin, « les commissaires voisins des marchés publics donnèrent en espèces aux boulangers la valeur des billets de 10 livres, dont ils étaient chargés, pour leur donner le moyen d’acheter du blé, parce que les marchands de grains refusaient de recevoir ces billets en paiement. » (Mémoires de M. Marais.)

Les spéculateurs, depuis que la rue Quincampoix leur avait été interdite, avaient pris l’habitude de se réunir place des Victoires ou même dans la rue. A la fin de mai, ils vinrent tenir leur bourse