de son harem et à la félicité qu’il peut y avoir réellement à ne pas quitter une noble créature capable de penser comme lui, de lire ce qu’il a lu, d’aspirer à la haute destinée qu’il se propose, une femme qui le comprenne, qui charme sa vie, qui charme jusqu’à sa mort, puisque la mort scellerait, au lieu de la détruire, une union qui ne finirait plus. Il en a assez des confitures à la rose, des jalousies puériles, des caresses inopportunes, des plaintes d’enfant gâté: une amie qui serait une amante, voilà ce qui le séduit tandis qu’il écoute Griggs avec des sourires incrédules et moqueurs. Il songe qu’il lui sera facile de divorcer sans scandale et Dieu sait qu’il ne reviendra pas aux femmes de l’Inde ou de la Perse, qui certainement n’ont pas d’âme, celles-là. Non, il se tournera plutôt vers une femme du Nord, vers une beauté blonde et blanche comme miss Westonhaugh. A l’âme de celle-là il croirait volontiers.
Vraiment, elle semble digne de convertir le plus récalcitrant au culte de la femme, cette superbe Anglaise qui est toute franchise, toute loyauté avec un courage presque viril et la simplicité d’un enfant. Isaacs est en rapports habituels avec son oncle ; il la voit donc souvent, et Griggs compte aussi parmi les hôtes de « Carlsbrook Castle, » c’est le nom que l’on donne au bungalow de M. Ghyrkins, selon l’usage de Simla, qui veut des désignations pompeuses pour de petites choses. Tantôt, quand ils arrivent, Catherine se balance dans le hamac de la vérandah, en dressant à mille tours le petit chacal apprivoisé qui lui sert de chien favori, tantôt elle interrompt pour les recevoir une partie de tennis avec lord Steepleton Kildare, du 33e lanciers, un brillant et sympathique officier irlandais, très épris de son côté, à n’en pas douter, car il a déjà cet air de propriétaire particulier aux amoureux d’outre-Manche qui ne se manifeste ni par des paroles ni par des actes et qui n’en saute pas moins aux yeux, bien qu’il admette une combinaison de timidité souvent fort amusante. Lord Steepleton Kildare trouble miss Westonhaugh beaucoup moins qu’Isaacs, parce qu’elle le comprend tout à fait. Il est comme elle-même de cette race avec laquelle on s’entend sur le terrain du sport et des jeux athlétiques sans avoir besoin de causer.
C’est une preuve de tact de la part de M. Crawford de n’avoir rendu son héroïne ni sentimentale ni raisonneuse, de n’avoir pas fait naître entre elle et Isaacs des discussions quintessenciées à perte de vue. La jeune fille anglaise est ordinairement malhabile aux conversations légères, elle n’a pas l’esprit de repartie et ne sait pas trouver d’argumens ingénieux. Miss Westonhaugh ne taquine donc point Isaacs, bien qu’elle en ait parfois envie. Elle craint trop de s’enferrer, ne sachant rien des musulmans et étant au fond choquée d’une religion qui semble empêcher de croire que la femme livrée à