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Page:Revue des Deux Mondes - 1884 - tome 62.djvu/909

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pour la deffense et conservation de ce royaume seront indignes des charges honorables et publiques, comme ligueurs perfides et dignes qu’on leur courust sus? Mais ceux qui ont employé le vert et le sec pour perdre cet estat seront veus comme bons François, dignes et capables de charges... Je ne suis aveugle, j’y vois clair; je veux que ceulx de la religion vivent en paix en mon royaume et soient capables d’entrer aux charges; non pas pour ce qu’ils sont de la religion, mais d’autant qu’ils ont esté fidelles à moy et à la couronne de France... Il est temps que nous tous saouls de guerre devenions sages à nos despens. » A vrai dire, ceux qu’il apostrophait ainsi, le 3 novembre 1599, lui avaient fait une guerre enragée jusqu’au bout, même après sa réconciliation avec le pape, et s’étaient attiré cette verte réponse. Il y avait néanmoins une certaine hardiesse à la leur faire et le parallèle entre les huguenots et les catholiques était nouveau dans la bouche du roi très chrétien. Mais on voit si ce prétendu parjure, dix-huit mois après avoir signé l’édit de Nantes, essayait, comme on l’a encore insinué de nos jours[1], d’en éluder l’exécution.

Cependant, au moment même où Henri IV prenait avec tant de fermeté le parti de ses anciens coreligionnaires, ceux-ci, quoique apaisés, ne cessaient pas de le tenir sous une ombrageuse surveillance. L’assemblée générale de Châtellerault, à laquelle Lesdiguières avait suggéré, le 20 mars 1597, de ne pas se séparer tant que l’édit n’aurait pas été complètement exécuté, avait refusé de se dissoudre même après qu’il eut été vérifié par le parlement de Paris : elle siégea jusqu’au 31 mai 1601 ! À cette époque, il était temps d’en finir. « Le roy, écrivit alors le duc de Bouillon à Bongars, a congédié l’assemblée, monstrant avoir quelque jalousie que cela formast un corps dans son estat. » Pour obtenir cette séparation tardive, Henri IV avait fait deux concessions nouvelles : il permettait aux réformés d’accréditer auprès de lui un ou deux représentans, qui lui seraient députés par la généralité des églises et lui transmettraient incessamment les griefs du protestantisme français; il les autorisait, nonobstant l’édit de Nantes[2], à se réunir en

  1. MM. Haag, Notice historique sur le protestantisme.
  2. « Aussi, dit l’article 83, ceux de ladite religion se départiront et désisteront dès à présent de toutes pratiques, négociations et intelligences, tant dedans que dehors nostre royaume; et lesditcs assemblées et conseils establis dans les provinces se sépareront promptement... » Les premiers articles secrets (voir l’art. 34) ayant néanmoins autorisé purement et simplement la réunion des consistoires, colloques et synodes provinciaux ou nationaux, la magistrature unie au clergé avait obtenu l’addition des mots « par la permission de Sa Majesté. » Toutefois Henri IV, cédant à l’assemblée de Châtellerault, avait promis, dès le mois d’août 1599, de délivrer aux réformés un brevet particulier d’après lequel ils pourraient (nonobstant le même article) tenir leurs consistoires, colloques, synodes, etc., en la même forme et avec les mêmes libertés que par le pass2.