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Page:Revue des Deux Mondes - 1884 - tome 62.djvu/955

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M. le ministre de la guerre semble croire qu’il trouvera tout ce qu’il lui faut dans cette jeunesse intelligente qu’il propose d’enrôler sans distinction, et c’est même pour cette raison qu’il demande qu’on ne fasse aucune exception. M. le ministre de la guerre trouvera sans nul doute à ce prix des sous-officiers intelligens. Seulement, cette jeunesse sur laquelle il paraît si bien compter, ne fera que traverser pour ainsi dire l’armée; elle ne peut former que des cadres mobiles, sans fixité, sans attachement au métier, et si « l’existence de cadres inférieurs bien recrutés, » solides, est une condition première, essentielle, si cette condition est encore si loin d’être réalisée, comment est-on si pressé d’établir le service de trois ans? C’est prendre pour ainsi dire le problème à rebours et aller à une véritable confusion. Quelle raison y avait-il surtout d’ouvrir si précipitamment une discussion qu’on a pu à peine engager, qu’on a dû interrompre presque aussitôt, et qui laisse en suspens tant de questions sérieuses? Ah! voilà justement encore un point délicat : c’est que d’ici à quelques semaines les élections municipales vont se faire dans toute la France. Il fallait bien se hâter de montrer aux masses populaires qu’on s’occupe d’alléger pour elles les charges militaires, que la république les protège contre l’oligarchie bourgeoise, libérale et financière ! Après cela arrivera ce qui pourra, la démonstration est faite, — et c’est ainsi que même, dans un règlement d’ordre du jour, les intérêts de la puissance militaire et de l’éducation libérale de la France restent subordonnés à des calculs de parti, de popularité et d’élections.

Si, à côté de tant d’autres problèmes qui renaissent sans cesse, que l’esprit de parti dénature, il y en avait un particulièrement délicat à résoudre, c’est ce problème de l’organisation municipale de Paris, qui a été pendant quelques jours l’objet de vives discussions et qui, par le fait, n’a pas été résolu, puisque le sénat et la chambre des députés n’ont pas pu s’entendre. La question de Paris avait été réservée dans la loi générale votée récemment sur les municipalités. On ne pouvait cependant attendre plus longtemps en présence des élections toutes prochaines. Comment organiser cette représentation parisienne? A quel mode de scrutin et de circonscription s’arrêter? La chambre des députés s’est prononcée pour un système partageant Paris en quatre grandes sections, dont chacune aurait élu à peu près vingt conseillers municipaux. Le sénat, de son côté, s’est rallié à un autre système, appliquant le scrutin de liste avec les arrondissemens tels qu’ils existent et un nombre déterminé, limité de conseillers par arrondissement. La chambre a persisté dans son vote, le sénat a persisté dans le sien; on n’a pas pu s’entendre, et, en définitive, le seul système qui n’ait point été défendu, le système qui existe aujourd’hui, qui est connu et jugé par ce qu’il a produit, est celui qui se trouve ainsi maintenu, qui reste maître du terrain. Ce qu’il y a de curieux et de caractéristique, c’est