certitudes vacillent. Mais il leur reste les étoiles ; elles disparaissent aussi pour ceux qui descendent plus au sud, avec Magellan ; la polaire s’éteint, des constellations innomées troublent le firmament. Changer de ciel, angoisse horrible ! ils durent avoir la sensation de fuir la planète, de tomber dans un univers fou. Croit-on qu’ils perdirent courage ? L’un d’eux, Pigaffetti, nous raconte que Magellan « répandit des larmes de joie, quand il vit que Dieu lui permettait de se mesurer avec les dangers de la mer australe, le grand Océan-Pacifique. » Ainsi, pour ces gens qui trouvaient des mondes, toutes les assises de l’esprit furent bouleversées, des pensées nouvelles surgirent en eux comme les nouvelles étoiles se levaient au ciel. Jamais âmes humaines ne ressentirent un pareil ébranlement ; tout le siècle en a gardé la vibration et l’a transmise jusqu’à nous ; nul ne peut en calculer l’effet sur la suite des temps modernes. — Le chroniqueur espagnol m’a séduit, je veux parler de lui un peu longuement, parce qu’il rend témoignage de cette révolution morale et nous en apporte l’écho.
En 1514, un de ces vaisseaux qui cinglaient vers le couchant sur la mer soumise emmenait d’Espagne don Pedro Arias de Avila et, dans sa suite, un jeune homme de vingt ans, fils d’un pauvre gentilhomme de Castilla. Ce soldat de fortune, léger de harnais et riche d’espérances, était le futur historien Bernai Diaz. Il abandonna Pedro Arias en terre ferme, à l’époque où ce dernier fit trancher la tête à Balboa, et passa à Cuba dans l’espoir d’obtenir du gouverneur de cette île, Diego Velazquez, un bon lot d’Indiens. L’île regorgeait de compagnons qui sollicitaient comme lui ; la politique de Diego Velazquez était de lasser ces aventuriers et de les pousser à de nouvelles conquêtes, pour étendre les limites de son gouvernement. Au commencement de 1517, un riche colon de Cuba, Francisco Hernandez de Cordova, affréta trois navires et embaucha cent dix partisans, « dans le dessein de tenter l’aventure, de chercher et de découvrir de nouvelles terres. » Bernal Diaz, las d’attendre un établissement, prit du service dans l’expédition. Elle mit à la voile, sous la conduite du pilote Anton de Alaminos, le 8 février, doubla le cap Saint-Antoine et s’engagea en haute mer, du côté où se couche le soleil. « Vingt et un jours après notre départ de l’île de Cuba, nous vîmes terre, ce dont nous nous réjouîmes beaucoup, en rendant bien des grâces à Dieu, car cette terre n’avait jamais été découverte et personne n’en avait eu connaissance jusqu’alors. » C’était la pointe du Yucatan, et les navigateurs entraient