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Page:Revue des Deux Mondes - 1884 - tome 63.djvu/155

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épouvantables aussi grands que des veaux ; d’autres figuraient des moitiés d’hommes et de grands chiens, et toutes d’horrible aspect. Quand ils virent leurs dieux ainsi brisés en morceaux, les caciques et les prêtres qui se tenaient avec eux pleuraient et se couvraient les yeux, et dans leur langue totonaque leur disaient de leur pardonner, qu’ils n’avaient plus le pouvoir de les défendre. » — On recrépit à la chaux les murailles du temple, sanglantes des sacrifices ; les charpentiers taillèrent une croix, façonnèrent une image de Notre-Dame, et l’on confia la garde du sanctuaire régénéré aux anciens prêtres, après avoir rasé leurs chevelures. — Tandis que la croix victorieuse monte et avance le long des sierras, sur la route de Mexico, Montézuma implore ses dieux. — « Il paraît que le Montézuma était fort dévot à ses idoles, qui se nommaient Tezcatepuca et Huichilobos (celui-ci, à ce qu’ils disaient, était le dieu de la guerre, et Tezcatepuca le dieu de l’enfer), et qu’il leur sacrifiait chaque jour des enfans dans l’espoir d’apprendre d’eux ce qu’il devait faire de nous ; car il songeait, dans le cas où nous ne repartirions point dans les navires, à s’emparer de nous tous pour nous faire reproduire et avoir de notre race, et aussi pour avoir de quoi sacrifier. D’après ce que nous sûmes depuis, ses idoles lui répondirent qu’il n’eût garde d’écouter Cortez ni les paroles qu’il lui envoyait dire au sujet de la croix, et qu’il eût soin de ne point laisser porter l’image de Notre-Dame en sa ville. » — L’empereur aztèque, abandonné aux irrésolutions qui doivent le perdre, attend avec une frayeur religieuse les étrangers ; il négocie pour les détourner de sa capitale et ne se résout pas à la résistance ; sa volonté est paralysée par ces pressentimens obscurs, propres aux races et aux monarchies condamnées ; il se rappelle les anciennes traditions qui prophétisent l’arrivée d’hommes blancs, le retour du dieu jadis exilé vers le soleil levant.


IV

Il faut renoncer à suivre les conquérans étapes par étapes ; ce serait refaire l’histoire de Prescott, qui a toutes les qualités d’une histoire définitive. Je ne m’attache qu’aux parties saillantes du récit de Bernal Diaz, à celles qui ressuscitent le temps, qui nous font pénétrer ces imaginations surmenées, ces âmes avides et intrépides. Au sommet des sierras, Cortez rencontre les républicains de Tlascala, la grande ville des Terres-Froides ; 50,000 guerriers, au dire de Bernal, lui barrent la route. Les 400 Espagnols, s’étant tous confessés et ayant communié, chargent bravement cette armée, la mettent en déroute ; la république fait sa paix, propose son alliance