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Page:Revue des Deux Mondes - 1884 - tome 63.djvu/236

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Assurément, à ne prendre ce discours de Périgueux qu’en lui-même, il y a bien des parties sensées, judicieuses, bien des déclarations mesurées, prudentes, qui ressemblent à des promesses, qu’on ne demanderait pas mieux que d’accepter pour sérieuses. Seulement, avec M. le président du conseil, on est assez souvent réduit à chercher un lien entre son langage et ses actions, entre ce qu’il expose et la conduite qu’il suivra, entre ses intentions présumées et les concessions par lesquelles il rachète ses accès de bonne volonté. Lorsqu’il y a six mois déjà, M. Jules Ferry prononçait son discours du Havre, c’était presque un événement, tant les déclarations paraissaient nettes, décisives, — et on en est encore à savoir ce que signifiait cette déclaration de rupture avec le radicalisme. Aujourd’hui, M. le président du conseil, reprenant la parole à Périgueux, trace le plus rassurant tableau de nos affaires. — Le crédit de la France s’est sensiblement relevé depuis un an en Europe ! Nos relations avec l’Angleterre, avec l’Italie, se sont singulièrement améliorées. Nos entreprises de Tunis, du Tonkin, sont sorties de la phase des tâtonnemens et marchent à leur terme. Des questions devenues pressantes ont été résolues, des réformes ont été accomplies par les pouvoirs publics ! Les intérêts intérieurs se développent régulièrement ! D’un autre côté, le pays, satisfait, tranquille, ne demandé que la paix à l’abri des institutions qui lui ont été données. Fort bien ! Quelle est la conclusion ? C’est qu’il va falloir un de ces jours mettre Cette stabilité en question et s’occuper au plus vite de la révision constitutionnelle, à laquelle personne ne songe, que le pays, quant à lui, ne réclame pas, qui n’émeut ni n’intéresse en rien l’opinion ! M. le président du conseil, en vérité, a une étrange manière de couronner ses démonstrations ; il a sûrement une rare logique, et, lorsqu’une fois de plus il met sa lance en arrêt contre le radicalisme, lorsqu’il refuse fièrement d’entrer avec lui en transaction, on se demande à qui donc il entend faire une concession par cette révision constitutionnelle dont le pays n’éprouve pas le moindre besoin. Ah ! nous y voici peut-être. Les radicaux réclament la révision intégrale, la réunion d’une constituante, la suppression du sénat, M. le président du conseil refuse la constituante, mais accorde la révision, la diminution du sénat, — et c’est ainsi qu’il reste un homme de gouvernement, l’adversaire le plus intraitable du radicalisme !

C’est un singulier politique que M. le président du conseil. Il a particulièrement sur la république, dont il entend bien rester le plus longtemps possible le conseiller et le guide, toute sorte de vues ingénieuses et inattendues. À ces habitans du Périgord qui Pont reçu on ne peut mieux à son retour de Cahors et qui l’ont écouté avec une curiosité bien naturelle, il a confié un grand secret, une merveilleuse découverte. Il leur a dit que « la république sera la république des paysans ou qu’elle ne sera pas. » Il y a, si l’on s’en souvient, un certain nombre