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rapportait comme produit des contributions de guerre près d’un million de francs en numéraire, plus de 35 millions en papier-monnaie, de grands approvisionnemens de sucre, de riz et de coton, et cela, sans- avoir perdît plus de trois : hommes.

Cette expédition, sans résultats réels au point de vue stratégique, porta à son comble la haine et l’exaspération des Péruviens. Ces destructions systématiques et cruelles provoquèrent les réclamations des neutres. Bon nombre de plantations saccagées étaient en effet commanditées ou possédées par des étrangers. L’absence de toute résistance à main armée donnait, aux mesures prises un caractère d’exactions financières regrettable. La guerre a ses nécessités cruelles que la lutte excuse et que la victoire fait trop souvent oublier, mais pour lesquelles l’opinion publique d’abord, l’histoire ensuite, ont de justes sévérités. La campagne du colonel Lynch dans le nord du Pérou n’ajoute rien à la gloire du Chili, Devant certains actes, l’humanité se sent solidaire des vaincus et des opprimés.

A la fin de novembre, l’armée chilienne était réunie tout entière à Pisco. L’embarquement pour Chilca était décidé, mais il pouvait y avoir danger à laisser derrière soi vingt-cinq lieues de côtes aux mains de l’ennemi. On affirmait qu’entre Pisco et Chilca des corps expéditionnaires péruviens tenaient la campagne. Il importait de les refouler au nord ou de les disperser afin de n’être pas exposé à se voir pris à revers. Le commandant en chef donna ordre à la brigade Lynch, composée de troupes exercées et endurcies par des marches rapides, de suivre par terre la distance que l’armée allait franchir par mer et de se porter rapidement de Pisco à Chilca en déblayant le terrain devant elle. Le 13 décembre, cette brigade commençait sa marche en avant ; marche rude et pénible à travers des déserts où hommes, mules et artillerie enfonçaient dans le sable, sans route tracée, et où l’on ne rencontrait qu’une aiguade, à mi-chemin, ombragée par un unique palmier.

En même temps, le gros de l’armée s’embarquait à Arica et le contre-amiral Riveros prenait le commandement du convoi. Il se composait de vingt-huit grands bâtimens escortés par les navires cuirassés, Cochrane et Blanco. La corvette Mazallanes éclairait la route, l’Abtao fermait la marche. Le convoi s’étendait sur une longueur de 10 milles et une largeur de 4, marchant à une vitesse régulière de 5 milles à l’heure. Il portait seize mille hommes de troupes, les mules, l’artillerie, les vivres, le matériel et les munitions nécessaires. Le 21 décembre, le convoi mouillait dans la baie de Chilca, soigneusement draguée par les chaloupes canonnières pour s’assurer qu’elle ne contenait pas de torpilles. Un