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Page:Revue des Deux Mondes - 1884 - tome 63.djvu/431

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y produisaient une confusion épouvantable. Ce n’était pas une division débandée, comme nous l’avions entendu dire ; c’était toute une armée en fuite. Quelques bataillons au complet entrèrent dans notre ligne, et presque toute une division resta formée à gauche de la voie ferrée.

« Il pouvait être dix heures du matin lorsque Pierola arriva avec un état-major fort réduit, dans lequel on remarquait les généraux Buendia et Seguria et le colonel Suarez. Il passa à cheval au milieu des bataillons qui l’acclamaient frénétiquement. Il leur ordonna de défiler vers les redoutes et de se retrancher derrière les murs intermédiaires élevés entre chacune d’elles. Ces renforts augmentèrent considérablement notre ligue. Plus de cinq mille fugitifs avaient déjà été ralliés avant midi soit par la cavalerie, soit par les bataillons de la réserve ; d’autres s’étaient présentés volontairement. On en voyait néanmoins beaucoup qui s’échappaient. On tirait sur eux, mais ils se dérobaient dans les tranchées et puis se remettaient à fuir.

« Pierola traversait la chaussée du chemin de fer, lorsqu’un soldat, — nous supposons qu’il était ivre, — s’avança vers lui et éclata en imprécations contre les chefs. « Pas de désordre ! » se contenta de répondre Pierola. Et il s’éloigna précipitamment.

« Au milieu de cette effrayante cohue, chacun disputait sur les causes de la défaite ; ceux-ci en accusaient tel chef, ceux-là tel autre, quelques-uns en rejetaient la faute sur les soldats ; mais bien peu se résignaient à croire que la bataille fût totalement perdue. On en vint à raconter que les positions de San Juan avaient été reprises par les Péruviens, et tout le monde ajoutait foi à ces absurdités. »

Cette terrible journée coûtait aux Chiliens trois mille trois cent neuf hommes et près de huit mille aux Péruviens. Les Chiliens ne firent que dix-sept cents prisonniers.

Le 14 au matin, le général chilien envoyait à Lima don Errasuriz, secrétaire du ministre de la guerre du Chili, avec ordre de déclarer qu’après une lutte aussi sanglante, l’honneur du Pérou était sauf et que le premier devoir de son gouvernement était d’éviter à Lima le sort de Chorrillos ; il offrait un armistice pour traiter de la paix. Le général Pierola fit répondre qu’il ne recevrait qu’un envoyé muni de pleins pouvoirs pour négocier. Sur ce refus déguisé d’entamer des négociations, le général Baquedano fait immédiatement porter en avant de Chorrillos sa première division, appuyée sur la seconde, pendant que la troisième, occupant Barranco, menace Miraflorès, et la dernière ligne des défenses péruviennes. Cesmouvemens s’exécutent dans la nuit du 14 au 15 et tout est prêt dans le camp