devait être naturellement inaltérable et que Sa Majesté, en exerçant constamment cette vertu, obtiendrait par elle-même le titre de roi très chrétien d’une manière bien plus glorieuse encore que par la prérogative héréditaire qui le lui donne. Un de messieurs les ministres me dit sur cela avec vivacité : « Vous avez certainement raison, et comment pourrait-on douter de la solidité de ce que vous avancez, puisque tous ceux qui ont acquis la réputation d’hommes véritablement sages ont toujours pensé qu’une paix, quoique peu équitable et très onéreuse, était préférable à la guerre la plus juste et la plus heureuse? » Mais combien ne nous écartons-nous pas tous tant que nous sommes de cette maxime ! Les raisons de modération qui n’ont en vue que le bien public ne sont-elles pas toujours subordonnées à cette fausse et orgueilleuse sagesse qui se cache sous le masque de la dignité et qui doit sa plus grande force à des motifs d’intérêt personnel?.. « On dit, a-t-on ajouté, que la prochaine attaque des Pays-Bas cause un grand embarras à notre république. Elle n’a qu’à suivre la leçon de prudence contenue dans les versets 29, 30, 31, 32 du XIVe chapitre de l’Évangile selon saint Luc. Le parti suggéré dans les deux derniers versets peut être suivi par la république avec une entière confiance. » Ces versets sont ceux où il est dit qu’un souverain qui n’a que dix mille hommes à mettre en guerre contre un ennemi qui en a plus de vingt mille doit lui envoyer des ambassadeurs pour demander la paix[1].
Quelques jours après, le soir même du départ du roi, van Hoey revenait encore à la charge avec un aplomb d’autant plus comique qu’il ne se doutait pas du rôle plaisant qu’on lui faisait jouer : « Je pris occasion, dit-il, de peindre aux ministres les horreurs de la guerre avec les couleurs les plus vives et de recommander la paix, et tous ont reçu mes représentations, comme auparavant, avec estime et approbation. On me représenta en même temps que, comme la défiance faisait naître par degrés la guerre, de même la guerre devait nécessairement produire l’inimitié des plus vives. J’ai fait, ajoutait-il enfin naïvement, tout mon possible pour découvrir s’il y avait quelque négociation entre cette cour et celle de Prusse, mais je n’ai reçu d’autre réponse que celle qu’on m’a toujours faite[2]. »
Le conseil si plaisamment donné de suivre les procédés diplomatiques recommandés par saint Luc fut pris au sérieux et appliqué. A la vérité, ce fut l’ambassadeur de France qui prit l’initiative de