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Page:Revue des Deux Mondes - 1884 - tome 63.djvu/571

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présente dans son ensemble un mouvement sinueux d’une grâce infinie et pourrait confirmer la théorie d’Hogarth que la ligne serpentine est la ligne de beauté. L’exécution est des plus intéressantes à étudier. Malgré la netteté du contour et la précision délicate du modelé, la figure est si légère et si enveloppée d’atmosphère, qu’on a vraiment l’illusion qu’elle se soutient dans l’espace. Quant à la couleur, on dirait que M. Jules Lefebvre a pris pour palette ces nuages vaporeux de l’aube où l’azur se mêle aux roses. Peut-être pourrait-on reprendre le sourire un peu affété et la cuisse gauche qui paraît étranglée à l’attache du genou, mais devant une œuvre d’art de cette valeur et de ce charme, la critique fait mieux d’abdiquer.

La Léda de M. Antonin Mercié est peinte en pleine pâte d’un pinceau souple et gras ; une lumière argentée satine sa chair. Mais comment l’auteur du Gloria victis, du Quand même, et de tant de si belles œuvres a-t-il conçu une pose aussi vulgaire? Comment s’est-il astreint à copier un modèle aussi commun? Pour les nymphes et les chasseresses de M. Falguière, qui a aussi des vertus de coloriste, il semble en vérité, à voir ce dessein incertain et cette exécution lâchée, que ce sculpteur traite bien cavalièrement l’art de peindre. La Dryade de M. Morot, qui se présente de face, accroupie au bord d’un ruisseau et élevant en l’air ses mains chargées de fleurs de pommiers, gagnerait encore en relief et en effet à être éclairée par un jour moins indéterminé. Le dessin des cuisses, vues en raccourci, est superbe. Comme il y aurait peu de bien à dire de l’Innocence, de M. Benner, de l’Étude, d’une pose si prétentieuse, de M. Perrey, et de l’Eski-DJamlidja, de M. Albert Aublet, qui, debout près d’une vasque de marbre et tendant au-dessus de sa tête un grand voile azuré, a tout l’air de faire sécher un linge passé au bleu, il vaut mieux ne point parler cette fois de ces peintres de talent. Malgré sa pose tortillée, la Vision rose, de M. Prouvé, est une agréable réalité. La Jeune Fille et l’Amour, de M. Antony Serres, sont groupés dans un joli mouvement. La grâce juvénile de la Nymphe de M. Genoudet est à remarquer, et les carnations vives, fraîches, de la Naïade au bord de l’eau révèlent un coloriste en M. Valenzuela. Dans un Coin d’atelier, M. Ruel représente un modèle dévêtu qui lit le Figaro devant une grande toile mythologique. Le malheur est que l’artiste ait donné les mêmes valeurs à la femme vivante et aux figures peintes. Deux colombes se becquetant sur le sein nu d’une jeune fille endormie, tel est l’aimable Rêve de M. Brunclair. La svelte Diane de M. Meys, qui ne manque ni d’élégance dans les formes ni de finesse dans le coloris, pourrait sans inconvénient être diminuée de la longueur d’une tête; Zustris lui-même n’a pas de figures aussi allongées. M. Capdevielle a couché