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une aquarelle. C’est M. Richard Le Roy qui a eu cette idée triomphante. De son tableau nous détacherions volontiers l’aquarelle, digne de Turner ou de Ziem. La Marchande de fleurs, de Mlle de Certain, est un début plein de promesses. Le Five o’clock tea, de M. Stewart (en bon français le Goûter), joint à l’attrait d’une scène amusante de la vie contemporaine l’utilité d’une gravure de modes. Le high-life féminin, puisque décidément il faut parler anglais, trouvera dans ce joli tableau, d’une lumineuse clarté, plus d’un modèle de toilette pour les réunions selected. On ne s’avisera pas, par exemple, d’adopter le trop séduisant costume des femmes de la jolie vignette peinte de M. Emile Bayard. Dans cette Affaire d’honneur, deux demoiselles, nues jusqu’à la ceinture comme des dragons sur le pré, croisent le fer, dégagent, parent, ripostent et contre-ripostent au milieu d’une clairière du bois de Boulogne. Autre sujet destiné à l’amusement du public : la Salle Graffard, par M. Jean Béraud. L’orateur, qui vocifère en gesticulant, le président et ses assesseurs, graves et pénétrés de leur importance, la foule des auditeurs convaincus ou rebelles à l’argumentation, enthousiastes ou goguenards, les journalistes qui au bas de l’estrade prennent des notes en souriant, tout est spirituellement croqué avec une observation à la Daumier. Chaque type, chaque physionomie vaudrait une description. Voyez surtout cette « barbe grise » qui siège au bureau. Vainqueur de février, condamné de juin, déporté de décembre, triomphateur de septembre, vaincu de mai, amnistié de juillet, c’est l’apôtre jamais découragé de la révolution. On sent qu’il y a place dans ce crâne scilliforme pour toutes les utopies sociales.

M. Besnard aurait pu s’épargner d’entrer en loge, de remporter le prix de Rome et de passer quatre ans à la villa Médicis. Tout cela est du temps perdu, puisque voici cet artiste converti à l’impressionnisme. Le diptyque qu’il a peint pour l’École de pharmacie est tout à fait selon l’ordonnance : la couleur est crue et mate, les figures sont plates, les attitudes sont d’une naïveté précieuse. Le premier panneau, intitulé la Maladie, représente un pauvre intérieur où une femme alitée tombe en syncope; le médecin et deux femmes s’empressent autour de la malade. L’autre volet du diptyque, la Convalescence, nous montre la jeune femme à sa première sortie. Encore bien faible, c’est soutenue par sa mère et par une servante qu’elle franchit le seuil de sa demeure. Devant ce groupe, un petit enfant, les bras levés en l’air et les yeux écarquillés, semble s’écrier: Ah! maman est guérie! Au fond, des maisons à toits rouge cru s’étagent sur un coteau vert pomme. Toutes ces figures sont d’une lourdeur excessive de galbe. Ces femmes pèseraient au moins deux cents livres, si la simplification systématique du modelé poussée