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le Frühschoppen et ne mangent que vers cinq ou six heures; ils passent trop peu de temps à l’air; » et le ministre de l’instruction publique de ce pays, que nous croyons le paradis de la gymnastique, s’est cru obligé à dire qu’il faut encourager la gymnastique et les exercices physiques chez les étudians. En somme, à part une protestation faite en faveur du duel par un député qui a représenté que ces exercices donnent du caractère aux jeunes gens, et l’essai tenté par un autre de plaider les circonstances atténuantes en faveur des excès de boisson, — Tacite les signalait déjà, a-t-il dit, et les Allemands d’aujourd’hui ne sont pas plus ivrognes que leurs ancêtres, — l’opposition de droite, l’opposition de gauche et le gouvernement s’accordent pour nous apprendre qu’ici encore il faut nous garder d’admirer sans examen.

Est-il besoin de dire qu’en critiquant ainsi que nous venons de le faire le livre du père Didon, nous ne cédons point à la mesquine passion de rabaisser les mérites d’une institution étrangère? Il se trouve, en France, Dieu merci! des esprits assez libres pour admirer l’admirable partout où il se rencontre, et nous voudrions en toute sincérité que les universités fussent telles qu’on les décrit. D’ailleurs, si le respect de la vérité nous a obligés à faire des réserves, le même sentiment nous commande d’ajouter tout de suite qu’il nous reste beaucoup à envier aux universités allemandes. Elles sont riches, elles sont libres, elles sont puissantes, elles sont honorées. Quelques sacrifices qu’aient faits maîtres et étudians à l’esprit de notre temps et aux exigences du travail scientifique, elles n’en sont pas moins de grandes écoles où, par de puissans efforts individuels, le savoir est cultivé dans toute son étendue : chacun est attaché à son labeur particulier, mais la somme de ces labeurs représente tout le travail de l’esprit humain. Puis ces grands foyers, qui projettent une si abondante lumière, attirent les regards de la nation et de l’étranger, et font sentir même à la foule l’éclatante dignité de la vie intellectuelle. Les étudians ont beau se diviser et se subdiviser comme la science elle-même; le goût des études désintéressées et l’amour pur du savoir ont beau être, en Allemagne comme partout, des vertus exceptionnelles; quand ces vertus se rencontrent, elles ne se heurtent pas, comme en France, à des obstacles et à des barrières, et quiconque veut sortir d’une étroite étude professionnelle pour embrasser toute une science trouve à satisfaire sans effort sa curiosité. Le système des universités demeure donc préférable au système des facultés isolées, qui s’imaginent former un tout et dont chacune n’est, en réalité, qu’une collection de fragmens. Enfin, malgré ses défauts et ses vices, la jeunesse allemande a sur la nôtre cet avantage qu’elle vit au grand jour, tout ensemble, et qu’on n’a point imaginé