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III.

Chaque jour, à la Nouvelle-Zélande, tendent à s’effacer davantage les traits caractéristiques de la nature vivante ; le feu a passé sur de grandes surfaces. Où croissaient les fougères en masses touffues, où se dressaient des palmiers, où se montraient des arbres et des broussailles étranges aux yeux de l’explorateur, à l’heure actuelle s’étendent des champs cultivés pareils à ceux qu’on voit en Europe, apparaissent des vergers analogues à ceux de l’ancien monde. Dans les forêts superbes qui excitèrent l’admiration du capitaine Cook et des naturalistes Banks et Solander, qui émerveillèrent encore les navigateurs de la première période de notre siècle, la cognée a largement fait son œuvre; des routes ont été ouvertes; les arbres, puissans lorsqu’ils se trouvaient rapprochés, meurent, là où il n’y a plus d’ombre. Il reste néanmoins des vestiges de l’état originel du pays, et, avec un léger effort d’esprit, on aperçoit, comme en une sorte de rêve, les tableaux retracés à une époque déjà ancienne.

Dans son ensemble, la flore de la Nouvelle-Zélande présente une physionomie très particulière. Si, du nord au sud, on observe des différences qui répondent au climat, partout le même caractère général persiste. Après avoir parcouru le monde, un observateur se voit entouré d’une végétation presque entièrement nouvelle, où bientôt, cependant, il découvre en quantité appréciable des plantes de l’Amérique et de l’Australie. Au milieu de cette nature assez étrange, peu d’espèces néanmoins se font remarquer soit par une extrême singularité, soit par des beautés saisissantes. Nous avons à ce sujet les impressions du botaniste Joseph Hooker, qui visitait les régions australes il y a une quarantaine d’années. Au premier abord, le regard portant au loin, on ne distinguait que la fougère, la forêt, l’herbe. Avant l’occupation des Européens, particulièrement sur l’île du Nord, les fougères s’étalaient sur toutes les collines dans une profusion extraordinaire et il y en avait une multitude d’espèces : les unes, propres à la contrée, les autres répandues également sur d’autres terres. C’était monotone, triste, sombre, mais d’un aspect qui étonnait le voyageur. Les fougères en arbres couronnant les collines produisaient le plus charmant effet ; autrefois on s’en trouvait très frappé lorsqu’on entrait dans la baie des Iles. Dans les lieux frais et humides, le tapis de verdure est égayé par les adiantes aux grêles tiges d’ébène, supportant un délicat feuillage pâle d’une suprême élégance. Ailleurs, les lycopodes forment d’épais gazons; d’un groupe de plantes mignonnes, ils sont les plus beaux du monde, les plus grands, les plus apparentés aux espèces de la période carbonifère.