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Page:Revue des Deux Mondes - 1884 - tome 63.djvu/714

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des affaires du pays? Elle est, en vérité, si sommaire et si simple qu’il faut absolument le vouloir pour la trouver embarrassante. Elle n’a rien empêché ni l’avènement des républicains au pouvoir, ni la transformation de la majorité dans le sénat, ni la liberté des partis, ni même l’arbitraire que les gouvernemens se sont trop souvent permis. Elle s’est prêtée à tout, et ce n’est vraiment pas d’une difficulté d’application que peut naître la nécessité d’une réforme. Y a-t-il, d’un autre côté, dans le pays, un mouvement d’opinion plus ou moins sérieux, même irréfléchi, en faveur de cette révision proposée si légèrement aujourd’hui? Tout ce qu’il y a eu se réduit à un certain nombre de programmes électoraux où l’on a inscrit, pour la circonstance, la réforme constitutionnelle, et à une campagne de médiocre et vaine agitation qui n’a conduit à rien, qui n’a certes point réussi à émouvoir l’opinion. Cette révision, M. le président du conseil l’a plus d’une fois avoué, il le répétait il y a quelques jours encore, cette révision, personne ne la demande, et, par un miracle de logique dont M. le président du conseil a seul le secret, c’est pour une révision qu’aucune difficulté dans le jeu des institutions ne justifie, qu’aucun vœu public ne réclame, c’est pour cela qu’on donne l’exemple de l’instabilité, qu’on ouvre une carrière indéfinie à toutes les entreprises! On aura le soin de limiter la réforme, dit le chef du cabinet; on ne laissera pas les esprits s’égarer, on tracera un programme précis au congrès qui se réunira. Cela signifie tout simplement qu’il y a pour le moment une majorité sur laquelle on croit pouvoir compter, et, d’après le choix tout récent des membres de la commission de révision dans la chambre des députés, il paraît, bien qu’il en est ainsi; mais si, par une circonstance imprévue, par des combinaisons toujours possibles, cette majorité venait à échapper à M. le président du conseil, quel moyen a-t-on pour l’enchaîner à une légalité insaisissable, pour empêcher le congrès d’étendre ou de dénaturer son œuvre, de se transformer même, s’il le veut, en assemblée constituante?

La vérité est qu’on a cru habile d’enlever aux partis une question dont ils pourraient un jour ou l’autre abuser, et que, sous prétexte d’enlever une arme aux radicaux, on a imaginé cette révision prétendue partielle, qui, même réduite aux deux ou trois points précisés par le gouvernement, ne peut être certainement que dangereuse ou vaine. Elle est dangereuse surtout en ce qui touche le sénat, que M. le président du conseil, par un étrange euphémisme, prétend fortifier, et qui est évidemment destiné, s’il y consent, à payer les frais de cette hasardeuse expérience. On aurait compris encore une réforme sérieuse, mûrement méditée, qui aurait eu pour objet d’introduire dans l’organisation de la première de nos assemblées des garanties nouvelles, de fortifier le sénat dans son origine, en respectant ses droits et ses prérogatives. Puisqu’on tenait à une révision, c’est dans