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femme est fortement apprécié dans l’empire du Milieu et que ce ne sont pas les dispositions qui manquent. Le cœur humain est partout le même : il n’y a que les moyens de ne pas le diriger qui varient. Sans doute bien des romans d’aventures s’esquissent dans une invitation ; ce n’était d’abord qu’un désir d’entendre de la musique, mais cette musique est si perfide ! Confucius l’a aussi désignée parmi les choses dangereuses : le son de la voix pénètre dans le souvenir ; on renouvelle les invitations, et celui qui invite peut bien à son tour n’être pas tout à fait indifférent. Donc :


………l’herbe tendre et, je pense,
Quelque diable aussi vous poussant, —


on glisse dans le roman, et cela se passe en Orient comme en Occident : c’est extrêmement coûteux. Ce ne le sera du reste jamais assez, car il n’y a que les plaisirs qui ruinent qui soient vraiment agréables.

J’ai parlé des réunions entre hommes. Je dois faire remarquer que les sujets de conversation ne touciient jamais à la politique. On évite avec soin toute cause qui pourrait troubler la bonne harmonie dans les esprits. Tout au plus parle-t-on des nouvelles du jour. On cause voyages ; on s’entretient de ses amis absens, dont on lit les lettres et les vers. Puis on fait des jeux de mots, et notre langue, très riche en monosyllabes, se prête merveilleusement à ces sortes de passe-temps. En général, on recherche les antithèses, les expressions en relief ou imagées, les oppositions de mots et d’idées. Ces plaisirs sont très à la mode.

Les dames jouent beaucoup aux cartes et aux dominos. Elles savent admirablement la broderie, mais elles n’apprennent pas le chant. Elles ont la ressource de la conversation, ressource si précieuse chez les femmes ; et il est inutile de demander s’il se trouve chez nous des Célimène et des Arsinoé. Il y a toujours un prochain très… apprécié dans la conversation du beau sexe. C’est un penchant irrésistible, ressemblant un peu à de l’instinct et qu’on peut constater comme une preuve de la communauté d’origine de l’espèce féminine.

Un passe-temps que je ne trouve pas en Europe aussi cultivé qu’en Chine, est celui que procurent les fleurs et les soins dont elles sont l’objet. Les femmes aiment passionnément les fleurs, leur rendent un véritable culte, les idéalisent, et même leurs leuilles tombées leur inspirent des poésies sentimentales.

xvi. — la société européenne.

La différence essentielle qui caractérise la société européenne, si on la compare à la nôtre est qu’elle est infiniment plus exigeante