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Page:Revue des Deux Mondes - 1884 - tome 63.djvu/856

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de pénétrer jusque dans l’endroit le plus secret de leur temple, dans celui-là même d’où le vulgaire est exclu. Il y a un lieu réservé pour le chef de la synagogue, qui n’y entre jamais qu’avec un profond respect.

« Ils me dirent que leurs ancêtres étaient venus d’un royaume de l’Ouest, appelé le royaume de Juda, conquis par Josué, après qu’il eut quitté l’Égypte, passé la mer Rouge, et traversé le désert ; que les Juifs qui émigrèrent d’Égypte étaient au nombre de six cent mille. Ils m’assurèrent que leur alphabet avait vingt-sept lettres, mais qu’ils n’en employaient ordinairement que vingt-deux ; ce qui s’accorde avec le témoignage de saint Jérôme, portant que l’hébreu a vingt-deux lettres, dont cinq sont doubles.

« Quand ils lisent la Bible dans leur synagogue, ils se couvrent la figure d’un voile transparent en mémoire de Moïse, qui descendit de la montagne le visage ainsi voilé, lorsqu’il donna le Décalogue à son peuple. Ils font la lecture d’une section tous les jours de sabbat. Les Juifs de la Chine, comme ceux de l’Europe, lisent donc la loi en entier dans le cours d’une année.

« Ils me parlèrent d’une manière fort insensée du paradis et de l’enfer. Quand je les entretins du Messie promis dans les Écritures, ils se montrèrent très surpris de mes paroles ; et lorsque je les informai que son nom était Jésus, ils répondirent que la Bible faisait mention d’un saint homme nommé Jésus, lequel était fils de Sirach, mais qu’ils ne connaissaient pas le Jésus dont je parlais. »

Voilà donc un souvenir authentique qui a deux mille ans de date ! On ne voit que dans la nation juive un tel attachement à la nationalité. Prenez les peuples que vous voudrez : au bout de quatre ou cinq générations ils seront complètement naturalisés : les Juifs, jamais ! Ils restent ce qu’ils sont partout où ils vont, attachés à leur religion, à leur caractère, à leurs coutumes ; et ce n’est pas un fait sans importance, au point de vue de l’histoire générale, que le maintien permanent d’une espèce particulière au milieu d’un peuple de quatre cents millions d’habitans.

Il est certain que, dans les bouleversemens qui suivirent les grandes invasions, beaucoup de tribus, débris de peuples d’antique race, sont venues chercher un abri dans nos paisibles contrées. Il faudrait étudier les pratiques religieuses locales, observer certaines coutumes, faire des recherches minutieuses sur les caractères, et sans aucun doute on arriverait à mettre en lumière des faits intéressans pour l’histoire de l’antiquité.

L’introduction du christianisme n’a pas laissé chez nous de date précise. Tous les peuples cependant paraissent avoir été évangélisés par les apôtres dès les premiers siècles de l’ère chrétienne. Les