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Page:Revue des Deux Mondes - 1884 - tome 63.djvu/863

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comprise, et les phases successives par lesquelles elle a passé. Les diverses informations que nous nous étions proposé de recueillir nous-même à cet égard, nous les avons trouvées réunies dans un de ces livres précieux à consulter où, avec le soin que mettent nos voisins dans ces sortes de recherches, sont consignés tous les documens positifs qui, de près ou de loin, peuvent éclairer un pareil sujet. Élève de M. Brunn, un des archéologues les plus éminens de notre époque, aidé des conseils et des communications bienveillantes de M. Helbig, qui s’est attaché à l’étude des peintures des villes campaniennes, l’auteur, M. Karl Woermann, avait préludé, par sa publication antérieure : sur le Sentiment de la nature chez les Grecs et les Romains, au consciencieux travail dont nous essaierons de résumer ici les traits les plus saillans. — Nous nous contenterons d’y ajouter sur quelques points les indications que des ouvrages plus récens nous ont fournies, ou les observations qu’ont pu nous suggérer nos propres recherches.


I.

Les plus anciens monumens qui nous aient été conservés et auxquels on puisse historiquement assigner une date approximative sont ceux de l’Égypte. Sa situation même, l’égalité de son climat et les facilités de vie qui en résultent pour ses habitans semblaient prédestiner cette contrée à la civilisation précoce dont elle a joui. Le Nil, qui la traverse dans toute sa longueur et qui cause sa fertilité, a de tout temps relié entre elles les diverses populations qui se pressent sur ses bords. De part et d’autre de ce grand fleuve s’allonge une bande étroite de terrain cultivé, au-delà de laquelle le désert étend ses solitudes. Cette nature très particulière, avec ses aspects simples et grandioses, avec la régularité bienfaisante de ses phénomènes, a dû de bonne heure agir fortement sur l’esprit du peuple égyptien. Sa religion et l’art qu’elle a inspiré portent profondément la trace de ces impressions primitives. Favorables ou funestes les forces mêmes de la nature ont été divinisées : c’est le soleil qui marque le cours des saisons et les divisions du jour; c’est le limon fertilisant qui ramène périodiquement une inondation, source de la richesse publique; ce sont les principes de la vie, de la fécondité, ou les plantes et les animaux eux-mêmes, suivant leur degré d’utilité ou de malfaisance qui, sous leur forme réelle ou figurée, sont devenus l’objet d’un culte mystérieux.

L’art par excellence de l’Égypte, c’est l’architecture. Avec les matériaux admirables dont elle dispose, la nature lui fournit partout l’exemple de la grandeur, de la simplicité, de la force qui marquent ses créations. Les nobles proportions de ses monumens,