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qui fait la donnée principale est ici évidente. Le même besoin de clarté apparaît d’une manière aussi manifeste dans la perspective, absolument incorrecte d’ailleurs, d’une peinture découverte dans une chapelle funéraire à Abd-el-Qurna et que Prisse d’Avesnes a publiée dans son Histoire de l’art égyptien. L’artiste, ayant à représenter un bassin rectangulaire dont tous les bords sont plantés d’arbres régulièrement espacés, n’a pas hésité à disposer ceux-ci de telle sorte que leurs cimes sont renversées symétriquement par rapport aux bords parallèles. On comprend nettement l’intention du peintre, bien que le parti qu’il adopte ne soit ni un plan ni une vue perspective, mais un mélange arbitraire de ces deux modes de figuration. Quant à la perspective aérienne, qui supposerait une dégradation progressive dans l’éclat des colorations, il est à peine besoin d’ajouter qu’il ne saurait en être ici question. Enfin nous aurons épuisé ce qui concerne la représentation du paysage chez les Égyptiens en constatant les emprunts que l’art ornemental a faits à la flore locale dans la décoration de quelques objets usuels où des fleurs, des palmettes, des plantes ont fourni des motifs gracieux, heureusement appropriés aux formes de ces objets, et dont l’exécution est parfois d’une finesse remarquable.

La représentation du paysage ne tient pas dans l’art des Assyriens une place beaucoup plus importante que dans celui de l’Égypte, et la nature même qui devait lui procurer ses modèles suffirait à expliquer le rôle effacé qu’elle y joue. Un climat excessif et inégal, des plateaux désolés, tour à tour battus du vent ou brûlés par le soleil, et, dans ces plaines bordées par des montagnes aux profils sévères, une végétation rare et peu variée, ce sont là, on le voit, des conditions peu favorables aux manifestations du sens pittoresque. Nous n’avons pas à parler de la peinture assyrienne ; rien de ce qui ferait d’elle un art véritable n’est arrivé jusqu’à nous. Tout ce que nous en connaissons se réduit à des fragmens de poteries émaillées et à quelques traces de polychromie constatées sur certains édifices. En Assyrie, comme en Égypte, l’architecture est restée l’art par excellence. Des fouilles difficiles et relativement récentes nous ont révélé le caractère imposant et l’étendue de ces immenses palais qui, jusque dans leur ruine, attestent la richesse et la magnificence de ces monarques asiatiques dont les traditions et l’histoire ont à l’envi célébré la puissance. Si nous n’y retrouvons ni ces inspirations plus ou moins directes, ni ces emprunts formels que les Égyptiens ont pu demander à la nature, nous savons, d’autre part, que ces monumens tiraient de la végétation qui les entourait un caractère original, et les jardins suspendus de Babylone, cités comme une des merveilles du monde ancien, sont bien connus de tous. Ce qu’étaient ces jardins, il serait hasardeux de le dire aujourd’hui ;