vient au secours de la misère, ne donnent pas seulement leur argent ; ils sacrifient leur temps, délaissent les loisirs de leur existence et s’empressent, comme des volontaires de la bienfaisance, de veiller eux-mêmes à la réception, à l’installation, souvent même au salut de ceux qu’ils ont recueillis. Ce spectacle a sa grandeur, et les résultats sont appréciables. Tel qui est entré dans la maison révolté, farouche et murmurant des blasphèmes, en est sorti apaisé, vivifié par un repos momentané, réconforté par le bon vouloir dont il a été l’objet et résigné à faire acte de courage pour arracher son pain à un métier mal rétribué. En telle matière il faut s’attendre à des déceptions et ne s’en point émouvoir. La conséquence immédiate de la charité est d’être un bienfait pour celui qui l’exerce ; si elle atténue la pauvreté et la douleur d’autrui, elle a touché son but ; si elle ne réussit pas, elle n’en est pas moins un agrandissement moral pour celui qui a tenté l’aventure. C’est pourquoi les hommes qui se consacrent aux bonnes œuvres ignorent le découragement.
Lorsque la première maison de l’Hospitalité de nuit fut ouverte à Paris en 1878, ce fut un applaudissement général ; on compara notre temps aux temps anciens et l’on s’enorgueillit de la marche incessante du progrès. Je l’approuve avec autant d’énergie que quiconque, mais à la condition de ne point mettre en oubli les droits de l’histoire. Je ne voudrais, sous aucun prétexte, être maussade envers les fondateurs de ces irréprochables asiles, mais il m’est impossible de ne pas constater que leur invention est renouvelée des Grecs. Le nom originel l’indique : Ξενοδοχεῖον[1], le lieu où l’on héberge les étrangers ; c’est le Xenodochium de l’église primitive, qui se souvenait du mot de saint Paul aux Romains : « Empressez-vous d’exercer l’hospitalité, » et qui ne ménageait point ses refuges aux pèlerins, aux voyageurs, aux infirmes, aux malades. La plupart des hôpitaux et des hospices n’ont pas d’autre origine ; aussi l’on peut dire que c’est le vieil esprit chrétien qui a inspiré les créateurs de ces nouvelles maisons hospitalières. Au moment où la révolution va bouleverser la vieille société française, deux asiles temporaires, datant tous les deux du XIIe siècle, fonctionnent encore à Paris et relèvent de la même congrégation. Le premier, dont une charte mentionne l’origine dès 1171, est l’hôpital Saint-Anastase et Saint-Gervais, dirigé par les hospitalières de Saint-Augustin, et qui occupait l’emplacement où s’élèvent aujourd’hui les constructions du marché des Blancs-Manteaux. Là on ne recevait que des hommes, qui couchaient un peu pêle-mêle, comme il était d’usage alors dans les hôpitaux ; les salles pouvaient abriter jusqu’à deux cents
- ↑ Le grec moderne a conservé le mot, mais avec le sens exclusif d’auberge.