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incertaine, de l’histoire de ces contrées ne permette guère d’établir avec quelque précision si l’ordre historique de ces filiations coïncide avec la direction géographique que nous avons indiquée, c’est celle-ci qu’à l’exemple de M. Woermann nous allons suivre dans notre rapide examen.

C’est sans doute à l’art des Assyriens, plus ou moins modifié par les Phéniciens, qu’il convient de rattacher les très rares monumens qui nous ont été conservés de ce petit peuple juif, qui, s’il ne tient pas une très grande place dans l’histoire esthétique de l’humanité, mérite du moins d’être rappelé ici à cause du rôle important qu’il a joué dans l’histoire morale de la civilisation. Presque à chaque page, dans ses livres sacrés, éclate un sens original et profond des beautés de la nature et des intimes résonances qu’elles peuvent éveiller en nous. Ces cieux dont l’immensité raconte la gloire du Très-Haut, ces montagnes où il apparaît avec toute sa majesté au milieu du tonnerre et des éclairs et qui participent, comme les fleuves, aux frémissemens de l’univers entier, toutes ces comparaisons, tous ces traits, gracieux ou familiers, grandioses ou touchans, qu’après la Bible l’Évangile nous offre à foison, nous n’en trouvons qu’une bien lointaine réminiscence dans l’art de la Judée. Quelques fragmens d’architecture présentant des analogies évidentes avec l’art assyrien sont seuls parvenus jusqu’à nous. Le plus important et le plus caractéristique est le couvercle d’un sarcophage découvert par M. de Saulcy, aux portes mêmes de Jérusalem, et qui passe pour avoir servi de sépulture à un roi de Juda. Le dessin de cet important ouvrage, qui semble inspiré par quelque tapisserie de l’Orient, consiste en un semis régulier et serré de feuilles d’olivier qu’encadrent des entrelacs de pampres, de grappes, de lis, de glands et de pommes de pin. Tous ces motifs, empruntés au règne végétal, sont interprétés avec goût, et l’aspect de cette ornementation, où la régularité et la symétrie des dispositions générales s’allient heureusement avec la variété des détails, dénote un habile emploi des ressources de l’art décoratif[1].

La Perse ne nous fournit pas non plus des informations bien abondantes sur la manière dont y était comprise la représentation de la nature. Nous savons cependant par les historiens anciens que les jardins créés et entretenus à grands frais par les souverains de la Perse pouvaient rivaliser avec ceux de leurs voisins d’Assyrie. Mais aucun des monumens élevés par eux ne nous a été conservé, et,

  1. L’interdiction imposée par les livres sacrés de reproduire les formes d’êtres vivans, hommes ou animaux, obligeait l’art de la Judée à recourir à cette ornementation purement végétale. Les monnaies asmonéennes elles-mêmes attestent la rigueur de cette interdiction, puisque, au lieu de porter gravés sur leurs faces les portraits des souverains, elles ne reproduisent que des plantes ou des fleurs.