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reine alors de Madagascar, annonça l’envoi, à Paris, d’une ambassade, avec mission, disait-il, de maintenir « les bonnes relations existantes entre les deux gouvernemens. » La perspective d’obtenir une solution pacifique en France même ne pouvait manquer de nous plaire. Les Hovas avaient deviné juste, car ordre fut donné à M. Bandais de se tenir désormais sur la réserve, de favoriser le départ des ambassadeurs, en un mot, de laisser tout en l’état. Et pendant que les envoyés de la reine faisaient route pour la France, que voyait-on à Madagascar? Les Français menacés, conspués, leurs propriétés livrées au pillage et leurs industries détruites.

A Paris, on négocia, mais sans aboutir; le 24 janvier 1883, il y eut rupture complète. Les ambassadeurs quittèrent les appartemens qu’ils occupaient au Grand-Hôtel sans même payer leur dépense. Comme d’autres diplomates malheureux, ils prirent la direction de l’Angleterre avec l’espoir, sans aucun doute, d’y trouver des consolations et des secours. Leur attente fut déçue. Sur l’avis qu’à Tananarive on se préparait à la guerre, l’amiral Pierre reçut l’ordre de faire disparaître tous les drapeaux hovas qui flottaient sur les côtes nord et nord-ouest de Madagascar. Il lui fut, en outre, confié la mission de présenter au gouvernement de Ranavalomajanka l’ultimatum suivant : « 1° reconnaissance effective des droits de souveraineté ou de protectorat que nous possédons sur la côte nord ; 2° des garanties immédiates destinées à assurer l’observation du traité de 1868 ; 3° le paiement des indemnités dues à nos nationaux. »

Ainsi qu’on devait s’y attendre, l’ultimatum fut repoussé, et il fallut bien constater, une fois de plus, qu’à Madagascar comme dans d’autres questions coloniales, nous avions montré une trop grande faiblesse et beaucoup trop d’hésitation. Mais la plus grande faute a été celle de demander au gouvernement hova une reconnaissance de nos droits, reconnaissance de laquelle il n’eût fallu jamais parler.

On s’était bien gardé d’exiger de la Chine une reconnaissance semblable au sujet du Tonkin, et c’était la même politique digne et réservée qu’il nous fallait suivre à Madagascar. L’amiral Pierre, et, après lui, l’amiral Galiber, n’en exécutèrent pas moins avec une rare énergie les ordres qui leur furent donnés : ils s’emparèrent de Tamatave et de Majunga, bombardèrent tous les villages où se trouvaient des postes hovas et vengèrent ainsi, autant qu’il fut en leur pouvoir, les meurtres de nos nationaux et les insultes faites au drapeau. Le résultat de ces démonstrations a été la reprise des négociations, le 1er février de cette année. Ont-elles des chances d’aboutir? Nous sommes loin de l’espérer, et comme il est impossible