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enfiévré. Il suffit, pour résister avec quelque chance de succès à la malaria, de suivre un régime qui n’a rien de bien rigoureux. Il faut ne pas manger de fruits verts, s’abstenir de liqueurs fortes et plus particulièrement du rhum, qui, en raison du voisinage des îles de la Réunion, de Maurice, est très abondant et vendu à vil prix. Il faut éviter le soleil et ne boire que de l’eau bouillie; résister surtout aux tentations de la chasse. Ce sport, auquel il serait possible de s’adonner sans inconvénient sur les hauteurs, est mortel dans les plaines, sur les étangs, et aux embouchures des fleuves. C’est grâce à ce régime sévère que l’on a vu des traitans résider impunément à Tamatave et sur d’autres points de l’île. Grâce à lui, des missionnaires français ont pu, sans succomber, pratiquer un peu partout leur périlleux apostolat. Les parages les plus salubres de Madagascar sont évidemment ceux où l’air circule le plus librement, où le soleil n’a plus de miasmes à faire fermenter; là, en un mot, où les Européens sont établis depuis plusieurs années. À ce titre, il faut continuer à occuper Tamatave, Majunga, la baie de Passandava et quelques autres ports de la côte orientale, quoique cette dernière soit plus insalubre que la côte occidentale. Quelques mots sur ces localités sont ici nécessaires.

Tamatave, qui n’était autrefois qu’un petit village de pêcheurs, est maintenant fréquenté par les bâtimens des îles Maurice et de la Réunion. Sa baie est une des plus commodes et des plus faciles, abritée qu’elle est des vents et de la grande mer par des récifs. Les navires mouillant très près de terre, on débarque sur un sable fin que des vagues nonchalantes mouillent sans bruit. Les maisons les plus luxueuses sont en bois, les autres sont des cases en paille cachées sous les arbres ou dans les dunes. La concentration du commerce que font à Tamatave les traitans de Maurice et de la Réunion a fini par assainir cette ville, très malsaine à une époque encore rapprochée de nous. Toutefois, il faudrait bien se garder de faire de longues excursions dans les environs, car il y a encore de nombreux marais dont les exhalaisons sont pernicieuses. Le plus sage, au dire des voyageurs, est de ne sortir de chez soi que lorsqu’on y est contraint[1]. Il n’y a qu’une voie, à Tamatave, méritant le nom de rue : elle conduit à l’église des jésuites et aux consulats américains et anglais. L’église des pères est en bois, elle est assez grande ; ils y ont aussi une maison pour les sœurs de Saint-Joseph. La résidence des pères donne heureusement, par un de ses côtés, sur la mer, qui leur envoie toujours un air frais, dégagé des miasmes de la terre. Les sœurs, auxquelles nous ne saurions reconnaître trop d’abnégation et de mérite, tiennent une école où des petites filles malgaches, appartenant à des

  1. Souvenirs de Madagascar, par M. le docteur Lacaze.