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Page:Revue des Deux Mondes - 1884 - tome 63.djvu/932

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familles riches, viennent s’instruire, accompagnées de leurs esclaves. On attend des frères de la Doctrine chrétienne, et l’éducation qu’ils seront chargés de donner aux petits garçons ne pourra qu’accroître l’influence assez grande que nous avons déjà sur la population indigène. Celle-ci est de quatre mille âmes environ, il y a une douane à Tamatave, et il doit être d’autant plus pénible à la reine des Hovas de la voir entre nos mains que son revenu le plus fort y était perçu. C’est là qu’on embarque les dix ou douze mille bœufs que la Réunion et Maurice consomment annuellement, et que les Américains apportent leurs toiles, leurs farines, leurs meubles et leurs conserves. Comment en sont-ils payés? En fort belles piastres, de celles que nous donnons aux Malgaches en échange de leurs bœufs, de leurs bois et de leur riz. Les Anglais de Maurice, il est vrai, y apportent leur rhum, et les Français de la Réunion, de la bimbeloterie, des vins, et des boissons alcooliques, mais jamais en quantité assez grande pour balancer ce que Français et Anglais achètent. Les Anglais y ont vu avec un grand déplaisir leurs cotonnades et leurs toiles dédaignées pour le tissu, dit lamba, des Américains. Ce ne seront pas encore de longtemps les produits français, hélas ! qui feront concurrence aux produits américains. Il nous restera, il est vrai, une ressource lorsque nous serons en possession de toutes les douanes de l’île, celle d’établir des droits prohibitifs. A l’égard des citoyens des États-Unis, ce serait de très bonne guerre, mais nous n’aimons pas la prohibition, et l’inaugurer à Madagascar serait la plus mauvaise des spéculations.

Majunga ou Mazangaye, dans la baie de Bombétok, car chaque voyageur français continue à avoir pour les noms propres des localités une orthographe particulière, fut autrefois le centre d’action des Arabes. Mettant à profit les moussons, leurs barques, incapables de lutter contre des vents contraires, quittaient Zanzibar, les Comores, la côte d’Afrique, et même Bombay, pour venir à Majunga porter des articles de toutes provenances : des esclaves, de l’argent et des perles, qu’ils échangeaient contre des gommes, de la cire, des peaux de bœufs, du caoutchouc et tout ce qui était admis à l’exportation par les autorités malgaches. On n’estime pas à moins de dix millions de francs[1] le mouvement d’échanges qui s’opérait ainsi à Majunga. Aujourd’hui, les Américains y envoient encore annuellement deux ou trois de leurs navires. La Betsibouka, nom de la rivière qui avoisine Majunga, et dont les rives sont couvertes de huttes, de cases formant de nombreux villages, est défendue, à son embouchure, par un fort spacieux que nous occupons. M. Ad. Leroy nous dit aussi que ce cours d’eau prend sa source près des remparts de

  1. Notes sur Madagascar, par M. Ad. Le Roy. Saint-Denis, île de la Réunion.