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expéditionnaire actuel, faire largement appel à l’élément créole de la Réunion et à l’élément indigène de Madagascar.

Rien, en effet, ne nous paraît plus logique, plus naturel, que cette large part que M. Dureau de Vaulcomte réserve à une partie de ses électeurs ; bien que l’ouverture d’une terre nouvelle à l’activité commerciale de la France nous touche beaucoup, il n’en est pas moins vrai que nos compatriotes de la Réunion seront les premiers à bénéficier de notre présence à Madagascar. Comme colons, leur existence en dépend. À ce titre, nous croyons donc qu’il leur appartient de se joindre, — comme d’ailleurs, ils l’ont fait déjà, — aux expéditions militaires qui peuvent être dirigées contre les Hovas. La population de la Réunion, préservée de nos luttes continentales malgré son ardent désir d’y participer, s’est accrue de façon à se trouver aujourd’hui à l’étroit dars l’espace restreint qu’elle occupe. Il y a pléthore, et cette pléthore s’étend jusqu’aux habitans de ces rochers malsains qu’on appelle Mayotte, Nossi-Bé et Sainte-Marie. Lorsque, au commencement de cette année, le gouvernement de la métropole a demandé à la Réunion de l’argent et des hommes, qu’a fait celle-ci ? Elle a vidé d’abord sa caisse de réserve pour la formation et l’entretien des compagnies de volontaires qu’on lui demandait. Puis, comme il fallait que ces compagnies fussent de trois cents hommes chacune, elle ouvrit des listes de recrutement dans ses communes, et à peine ouvertes, il se présenta plus de volontaires que le contingent désiré. On dut avoir recours à un tirage au sort pour ne pas créer de rivalité, et les numéros d’exemption furent patriotiquement qualifiés de mauvais numéros par ceux qui les tirèrent de l’urne. Évidemment, il y a dans cette jeunesse créole un élément excellent. Acclimatés à la température débilitante des tropiques, les habitans de la Réunion résisteront toujours mieux que des Européens aux influences du climat malgache. Des terres devront leur être largement distribuées après la conquête, et comme ils pourront les faire cultiver par des indigènes amis, accoutumés aux travaux agricoles, on les verra faire rendre au sol vierge de Madagascar ce que les terrains épuisés de leur île ne peuvent plus rendre. À ceux qui ne voudraient pas faire de culture, il resterait d’immenses forêts à exploiter, des bois de luxe à découvrir et à faire abattre, les mines et l’élevage des bestiaux. Renouvelant les exploits des trappeurs de l’Amérique, les créoles chasseurs pourront trouver encore dans la longue chaîne de montagnes qui s’étend du nord au sud de Madagascar de quoi satisfaire leur goût. Que de richesses inconnues, sous ce ciel où l’épiornis déployait autrefois ses ailes gigantesques, un chercheur, un naturaliste passionné, ne découvrira-t-il pas ?