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au Musée du Louvre. Ajoutons bien vite, comme compensation pour notre amour-propre national, que la sculpture française du même temps déborde des vastes salles qui lui sont affectées dans le même musée. Quant à notre architecture, nous avons dit en commençant quel fut son essor sous les Valois, et, sans sortir de la cour du Louvre, les bâtimens construits par Pierre Lescot suffisent pour la juger. Cette faiblesse dans les productions de nos peintres, d’une part, et, d’une autre part, cette perfection et cette abondance dans les œuvres de nos architectes et de nos sculpteurs résultent des conditions d’inégalité dans lesquelles nos artistes se trouvèrent en présence du grand mouvement de renaissance qui entraîna la France au XVIe siècle. Si la peinture française, qui se cherchait encore et n’avait pas trouvé sa voie, ne put opposer de résistance sérieuse aux envahissemens des peintres étrangers, il en fut autrement de l’architecture et de la sculpture. Elles avaient fait leurs preuves depuis longtemps, s’étaient affirmées à l’état d’école par des manifestations éclatantes, et se présentaient suffisamment armées pour accepter de l’Italie les conditions de la renaissance sans rien abdiquer de leur propre génie. La France avait eu, depuis trois cents ans déjà, une architecture dont la force d’expansion avait été irrésistible. Du XIIe au XVe siècle, l’architecture gothique est éminemment française, produit une suite ininterrompue de chefs-d’œuvre, jette des racines profondes sur toute l’étendue de notre territoire, et couvre une partie de l’Occident de ses puissantes productions. Elle est partout envahissante et partout acclamée. Toutes les cathédrales gothiques, en Allemagne, en Flandre, en Angleterre, en Espagne, en Italie même, proclament la suprématie du goût français, et notre sculpture, qui fait corps avec notre architecture, se place à la même hauteur : les portails de Chartres, de Paris et de Reims suffisent à le prouver. Dans ces conditions, nos sculpteurs, comme nos architectes, pouvaient attendre de pied ferme les temps nouveaux qui s’avançaient, revenir à l’antiquité tout en restant eux-mêmes, se rattacher d’une main vraiment française à cette chaîne des temps que l’Italie venait de renouer avec tant de force, et trouver jusque dans l’imitation les élémens d’une originalité nouvelle. Les verrières de la chapelle de Chantilly, malgré leur intérêt pittoresque, ou plutôt à cause même de cet intérêt, viennent de démontrer l’insuffisance de nos peintres au temps des Valois. L’autel d’Écouen, placé au milieu de cette même chapelle, va témoigner maintenant en faveur de nos architectes et de nos sculpteurs.

L’autel, en pierre de liais, a la forme ordinaire d’un parallélipipède rectangle. Six pilastres, cannelés et accouplés deux à deux, forment, sur la face principale, deux grandes divisions contenant deux