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constituée par la rencontre de deux versans inégalement inclinés ; » et tandis que de ces deux versans le moins raide s’abaisse sous forme d’ondulations modérées et successives, le plus abrupt plonge vers une grande dépression habituellement occupée par la mer. La mer, ajoute M. de Lapparent, ne s’étend pas toujours au pied du versant abrupt, comme le fait le Pacifique le long des Andes, la plus moderne de nos grandes chaînes ; mais alors il se trouve qu’une dépression remplace la mer autrefois présente au moment où l’érection a eu lieu. Quand les Pyrénées se soulevèrent, c’était la mer miocène qui battait le pied de leurs escarpemens, de même que la mer pliocène couvrait les plaines lombardes lors du soulèvement des Alpes. Il en a été de même pour le versant nord du Caucase et le versant sud de l’Himalaya. Les montagnes fumantes et probablement en voie de formation de l’archipel japonais baignent encore immédiatement leurs pics au sein des flots océaniques. Les grandes chaînes naissent à portée des eaux de la mer ; ce voisinage est sans doute nécessaire à la réalisation du phénomène ; mais le surexhaussement du sol a pour résultat prochain l’éloignement de la mer, remplacée alors par des plaines. — Telle est la loi qui préside à la genèse des continens ; mais l’îlot suisse de l’âge carbonifère n’annonçait par rien ses futures destinées, et la mer devait longtemps en baigner les rives sans obstacle et imprimer à l’Europe entière une physionomie très différente de celle que ce continent a fini par revêtir.

Les plantes carbonifères recueillies en assez petit nombre et sur des points restreints dans le sud-ouest du territoire suisse, prouvent que ce pays ne différait pas, à cette époque, des autres contrées insulaires où les eaux douces, ruisselant sur un sol faiblement accidenté, se réunissaient dans des lagunes aux bords encombrés par une puissante végétation. La région des Alpes était dès lors émergée, puisque les plantes terrestres, amies des plages inondées, avaient pu s’y multiplier et donner naissance à des couches d’anthracite exploitées çà et là dans le Valais et, ailleurs, à des empreintes teintées d’argent qui se détachent sur le fond obscur des plaques ardoisières de la même région. Heer n’a pas manqué de faire ressortir l’universalité et l’uniformité de cette flore houillère qui s’étendait alors sans diversité appréciable des alentours du pôle jusqu’aux approches du tropique. Il en conclut fort légitimement l’égalité absolue des climats dans l’âge carbonifère, à travers toutes les zones maintenant échelonnées et décroissantes du sud au nord. L’élévation de la température, la présence d’un sol marécageux et d’une atmosphère chargée de vapeurs humides ne lui semblent pas moins évidentes ; Heer a même retiré d’ingénieux indices sur la lumière plus pâle et le