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ciel constamment nébuleux de l’âge des houilles, de l’abondance de certains insectes dans les lits charbonneux. Ces insectes, tels que les termites et les blattes, qui existent encore et dont on connaît les mœurs, mènent une vie nocturne ; ils fuient obstinément et redoutent la lumière, comme si, adaptés originairement à l’obscurité, encore accrue par l’ombre épaisse des plantes AU pied desquelles ils vivaient au milieu des résidus accumulés, ils eussent conservé les instincts d’autrefois au sein d’une nature renouvelée et sans rapport direct avec celle des temps primitifs.

Heer assimile la formation de la houille à celle des tourbes. Les deux phénomènes sont effectivement du même ordre, et la tourbe représente le combustible minéral de notre époque et de notre zone. Mais, sans compter que, par sa composition chimique, la tourbe diffère totalement de la houille, bien plus riche en carbone et plus pauvre en oxygène, les conditions extérieures et les végétaux eux-mêmes s’écartent tellement de part et d’autre, il y a si loin des sphaignes, des scirpes, des laiches, aux puissantes sigillaires, aux calamités, aux cordaïtes de la houille ; le ciel, les élémens, les tièdes ondées et les ruissellemens mêlés de vapeurs qui présidèrent à l’enfouissement des plantes primitives s’écartent tellement de ce que nous avons sous les yeux, que tout ce que l’on peut affirmer des tourbes, c’est qu’elles reproduisent une dernière et pâle image de l’un des phénomènes les plus grandioses dont le globe ait jamais été le théâtre.

Bien qu’à partir de l’âge carbonifère, le sol de la Suisse n’ait plus jamais été entièrement recouvert par les eaux, son relief était pourtant assez peu prononcé pour que les moindres oscillations fissent varier ses rivages. La mer, constamment voisine, pénétrait sans peine dans la contrée, tantôt dans une direction, tantôt dans une autre, entraînant de fréquens changemens dans la configuration générale.

C’est à la mer du trias, dont les dépôts disséminés le long des Alpes et sur les deux versans témoignent des découpures dues à ses empiétemens, que la Suisse doit ses mines de sel, entre autres celle de Bex, exploitée depuis des siècles dans le canton de Vaud. Des prèles géantes (equisetum arenaceum, Jœg.) croissaient alors près de Bâle aussi bien que dans les Vosges. Les plantes houillères avaient presque entièrement disparu ; le climat aussi n’était plus le même. De grandes forêts de conifères, ayant l’aspect de nos araucarias, s’élevaient sur les hauteurs. Les cycadées, rares actuellement partout, même dans les pays chauds, tendaient à s’introduire et à se multiplier, destinées qu’elles étaient à obtenir bientôt la prédominance.