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et en tenir compte ; il faut surtout se garder de croire à l’indigence absolue d’une nature que nous ne réussirons au plus qu’à entrevoir à la dérobée. N’y a-t-il pas lieu, au contraire, de s’étonner de la profusion accidentelle de certains dépôts riches en fossiles, et les cent quarante-trois espèces d’insectes recueillies dans les marnes de Schambelen ne suffisent-elles pas pour donner une vue de la richesse probable de l’ensemble contemporain ?

il ressort d’un certain nombre de résidus végétaux que l’arbre forestier principal était alors une sorte d’araucaria (Araucarites peregrinus), dont l’extension devait être grande, puisqu’on le rencontre à la même époque dans la Lozère, près de Metz et en Angleterre. Il faut y joindre un thuya, quelques cycadées, et des traces de fougères. C’est tout, en ce qui concerne le règne végétal, et certainement cette végétation jurassique, toujours la même partout où l’on parvient à l’observer, avait un cachet d’indigente monotonie, sans être cependant dépourvue d’originalité ni de grâce. Ainsi l’atteste effectivement la mode, qui, de nos jours, peuple les serres, les salons et les sites abrités du littoral méditerranéen de ces mêmes végétaux ; araucarias, cycadées, grandes fougères, qui formaient à eux seuls tout le fond ornemental de la flore jurassique. Mais un ensemble a beau être pauvre, il a beau être incomplet par le défaut de toute une catégorie de plantes, celles à fleurs apparentes, il ne se trouve jamais réduit à une douzaine au plus de végétaux. La masse des insectes recueillis à Schambelen le prouve surabondamment, et c’est par eux que Heer a pu deviner une partie du reste. Ces insectes n’ont rien de remarquable par eux-mêmes ; ils ne dénotent pas l’existence de conditions très favorables au développement de leurs formes ; ils sont généralement petits et aisément assimilables à leurs congénères de l’ordre actuel, dont ils ne sont ordinairement séparés que par d’assez faibles nuances. Ce sont des sauterelles, des blattes, des termites, de grandes libellules, mais surtout des coléoptères ou scarabées, et, parmi ceux-ci, des carabiques qui sont carnassiers, des gyrins qui courent en tournoyant à la surface de l’eau, enfin, des buprestes, dont les larves vivent enfermées dans le bois et qui, à l’état parfait, sont ornés des plus vives couleurs métalliques. Le régime lignivore des buprestes est bien en rapport avec ce que nous savons de la prédominance des espèces arborescentes dans la flore du lias, D’autres types, plus rares il est vrai, se nourrissent actuellement de champignons ou de mousses et donnent à penser que ces deux classes qui, jusqu’ici, n’ont laissé aucun vestige, étaient cependant représentées dans la flore du lias inférieur.

Le trait le plus saillant de la faune entomologique de