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zone tempérée limitrophe ; — De là, effectivement, des courans marins et atmosphériques réfrigérans propageant au loin l’influence des régions arctiques, non plus seulement brumeuses et relativement froides en hiver, mais désormais glacées durant l’année entière. On conçoit donc qu’il ait suffi de certaines circonstances géographiques, comme le retrait de la mer molassique, pour altérer la température européenne et transformer un climat insulaire et maritime en un climat à saisons de plus en plus prononcées et tendant à devenir extrême. À ces causes vint s’en ajouter une troisième, et celle-ci spéciale à la région même des Alpes, constituant désormais le massif central de l’Europe ; c’est l’altitude de ce massif, qui, presque immédiatement après son érection, dut se couvrir de neiges permanentes, puis de glaciers, d’abord restreints aux hautes cimes, mais ensuite, à mesure que les circonstances favorisèrent leur extension, destinés à descendre dans les vallées inférieures et à déboucher plus tard de ces vallées jusque dans les plaines situées à leur pied.

Nous savons qu’il en fut ainsi par l’ensemble des observations suscitées par l’étude des phénomènes glaciaires ; nous savons que, vers la fin du pliocène, plusieurs glaciers alpins avaient acquis l’extension dont ils étaient susceptibles. Nous savons que, par l’accumulation de toutes les causes qui viennent d’être mentionnées et que la permanence des glaces au sommet des Alpes ne put qu’aggraver, la plupart des chaînes secondaires, les Carpathes, les Vosges, les montagnes d’Auvergne, et les Pyrénées eurent également leurs glaciers et que le quaternaire ne fut, pour ainsi dire, que l’expression dernière, le summum, suivi d’un retour par atténuation graduelle, de tous les phénomènes d’où était sortie l’extension glaciaire. De même qu’une très grande humidité et des précipitations aqueuses d’une extrême abondance, jointes à l’abaissement du climat, allant pour la première fois jusqu’à la congélation de l’eau, avaient amené l’extension glaciaire, de même l’atténuation de l’humidité et l’intensité moindre des précipitations, dans la zone tempérée boréale, durent entraîner à la longue le retrait des glaciers et la réalisation de l’ordre de choses actuel. C’est la théorie que nous avons exposée ici même et qui nous semble toujours la vraie[1].

Mais ce qui est également certain, c’est que, loin d’avoir été brusque, l’abaissement du climat européen, de même que l’extension des glaciers, furent lents et graduels et qu’ils n’atteignirent

  1. Voyez, dans la Revue du 15 septembre et du 15 octobre 1883, les Temps quaternaires, par G. de Saporta.