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Page:Revue des Deux Mondes - 1884 - tome 64.djvu/194

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leur terme qu’avec la fin du pliocène. Rien ne ressemble, il faut le dire, au miocène récent comme le pliocène ancien, ainsi que l’atteste l’étude des riches flores de Meximieux, près de Lyon, et des pentes montagneuses du Cantal. On se dirait transporté dans la forêt vierge d’Agua Garcia, aux Canaries. — D’abord le retrait de la mer ne s’opéra que peu à peu. Même après avoir quitté la plaine suisse, elle s’attarda à l’est, en Autriche, à l’ouest dans la vallée du Rhône ; au sud, dans l’Italie septentrionale. Puis, sur bien des points, des lacs parfois d’une étendue considérable succédèrent, comme à OEningen, à la mer et occupèrent les dépressions qu’elle abandonnait. C’est ainsi que, déjà refroidie au nord, quand elle était relativement tiède dans le Midi, l’Europe pliocène n’arriva que par degrés insensibles à cette uniformité dans les conditions d’abaissement thermométrique qui semble caractériser notre continent vers l’origine des temps quaternaires.

Le glacier le plus gigantesque était celui du Rhône, dont nous avons tracé la marche dans ce recueil, d’après M. Faisan. Après avoir comblé le Léman et être venu buter contre les pentes du Jura, il avait donné lieu à deux branches, dont l’une, par la vallée de l’Aar, s’avançait au nord jusqu’en Argovie, tandis que l’autre, gagnait Lyon par la Savoie et le pays de Gex, pour aller s’épanouir en une masse frontale dont le large éventail s’étalait de Vienne aux environs de Trévoux. Ce glacier n’était pas le seul. A l’est, vers le lac de Constance et au-delà, le glacier du Rhin lui servait de pendant, tandis que, dans l’espace intermédiaire, ceux de l’Aar, de la Reuss et de la Linth s’étendaient à travers la plaine suisse, en affectant des proportions beaucoup plus modestes. Quelle qu’ait été l’extension obtenue par tous ces glaciers à un moment donné, quelque complète que l’on suppose leur invasion le long du versant septentrional des Alpes, il y aurait une évidente exagération à admettre qu’ils aient jamais exclu toute végétation de la plaine suisse et que dans les vallées attenantes aux fleuves glacés, mais soustraites à leur action immédiate, il n’ait pu exister des bois couvrant les déclivités qui servaient de lisière aux eaux courantes et aux lacs tourbeux établis dans le fond.

Ces sortes de vallées et de cantons boisés, situés à l’abri des masses glaciaires, ont pu d’ailleurs n’avoir qu’une durée limitée. Ils ont pu éprouver des vicissitudes, servir d’abord de passage à des eaux torrentielles, puis être le siège d’une végétation fraîche et luxuriante, en dernier lieu être envahis à leur tour par les glaces. Tous les accidens que comporte une région soumise à l’action des glaciers ont dû se présenter dans le cours d’une période aussi longue que le quaternaire et l’on conçoit très bien que l’accès de