Page:Revue des Deux Mondes - 1884 - tome 64.djvu/239

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

dérober par quelque subterfuge à ses obligations, le temps serait passé de parler de l’honneur du pays. C’est donc un engagement qui a son importance, que notre diplomatie a dû prendre au sérieux, et, après cela, si notre gouvernement, dans ses négociations, dans ses concessions, s’était inspiré de cette pensée qu’il y avait pour la France un intérêt supérieur à renouer une cordiale et virile entente avec l’Angleterre, ce serait une politique qu’il n’y aurait point à désavouer. C’est la tradition libérale, c’est la vraie politique. Chose curieuse ! tandis qu’en France on accuse notre gouvernement d’avoir tout abandonné, tout sacrifié à l’Angleterre, d’avoir livré les intérêts français pour le plaisir de rentrer dans les affaires d’Égypte, à Londres l’opposition reproche passionnément à M. Gladstone et à lord Granville d’avoir fait trop de concessions à la France, d’avoir lié la politique anglaise, de compromettre la domination et les intérêts britanniques dans la vallée du Nil. Que signifient ces contradictions ? Cela veut dire tout simplement que cet arrangement, comme tous les arrangemens possibles, est le résultat de concessions mutuelles, qu’il faut le prendre pour ce qu’il est, pour une transaction qui n’est une victoire pour personne. A Paris comme à Londres, on peut sans doute voir aisément ce qu’il a de défectueux, d’incomplet ou de vulnérable ; on ne voit pas bien comment on pourrait le remplacer. On voit encore moins l’intérêt qu’il y aurait pour l’Angleterre comme pour la France à désavouer cette œuvre d’hier, à se séparer encore une fois pour laisser plus que jamais les affaires égyptiennes aller à l’aventure. Et maintenant que va décider la conférence réunie à Londres au lendemain de cette négociation anglo-française et des interprétations, des contestations dont elle a été déjà l’objet dans les parlemens des deux pays ? Officiellement elle n’est réunie que pour se prononcer sur les propositions financières qui vont lui être soumises par l’Angleterre. La loi de liquidation égyptienne, la commission internationale de la dette, les garanties instituées en faveur des créanciers étrangers en Égypte, tout cela a été fait par l’Europe et ne peut être modifié que par l’Europe appelée à délibérer sur les demandes du gouvernement de la reine Victoria. C’est une œuvre essentiellement financière. Il est cependant assez difficile que la conférence se réunisse à Londres uniquement pour sanctionner un programme d’expédiens financiers ; il est peu vraisemblable que la diplomatie des plus grandes puissances se contente de se prêter aux propositions du gouvernement anglais, aux emprunts qu’il veut réaliser, aux réductions des intérêts de l’ancienne dette qu’il veut opérer, aux modifications de garanties qu’il veut accomplir, sans examiner de plus près la situation politique de l’Égypte, sans arriver en un mot à ce qui est l’objet de l’arrangement préliminaire de la France et de l’Angleterre. Les finances et la politique se lient si