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La première de ces questions, par son importance, par les débats auxquels elle a donné lieu chez toutes les nations, par les discussions très vives qu’elle soulève encore en Italie, en France, et en Angleterre, est incontestablement le choix du mode d’exploitation. L’état doit-il exploiter lui-même les chemins de fer ? Doit-il en remettre l’exploitation à l’industrie privée ? L’exploitation des chemins de fer doit-elle être considérée comme un service public qui incombe au gouvernement, ou comme une entreprise commerciale abaisser aux particuliers ? Cette question a été vivement débattue dans l’enquête italienne : au sein de la commission, elle a fait l’objet d’une discussion approfondie qui a occupé plusieurs séances.

L’exploitation par l’état rencontrait des défenseurs ardens parmi les hommes politiques qui considèrent une forte centralisation comme indispensable à l’affermissement de l’unité, italienne, dans les fonctionnaires du ministère des travaux publics, et dans le corps des ingénieurs. Ces derniers supportaient impatiemment les critiques adressées à un système qui remettait entre leurs mains un service aussi important et leur fournissait, outre des places lucratives, l’occasion de déployer leurs talens administratifs. Elle a été défendue dans l’enquête par le commandeur Bona, qui avait dirigé l’exploitation des chemins de fer piémontais jusqu’à leur cession à la société de la Haute-Italie, par MM. Allievi et Scalia, par les chambres de commerce de Messine, Caserte, Vicence, Trévise et Brescia et de nombreux témoins. La majorité des chambres de commerce s’est prononcée en faveur de l’exploitation par l’industrie privée ; la chambre de commerce de Milan particulièrement s’est montrée fort hostile à toute ingérence de la bureaucratie dans le domaine du commerce et de l’industrie. Enfin la même cause a trouvé un défenseur habile et convaincu dans M. Peruzzi, qui a vivement critiqué la parcimonie et l’injustice dont les pouvoirs publics avaient plusieurs fois fait preuve à l’égard des compagnies dont ils avaient sollicité le concours.

Le premier argument en faveur de l’exploitation par l’état est puisé dans l’importance du rôle que les voies ferrées jouent au sein de nos sociétés modernes, où la facilité, la rapidité et le bon marché des transports sont devenus indispensables au développement de tous les élémens de richesse et de travail. La bonne ou mauvaise administration des chemins de fer peut exercer une influence décisive sur la prospérité d’une nation en favorisant ou en arrêtant l’essor de son industrie, en mettant en valeur ou en laissant sans emploi ses richesses naturelles. L’état, qui a charge de veiller au bien général, peut-il laisser passer en d’autres mains que les siennes des instrumens aussi puissans ? Avec ses ports