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Page:Revue des Deux Mondes - 1884 - tome 64.djvu/435

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fut importé en France. Le passé ne nous pesait guère. Nous ne parlons pas de la musique d’église ; malgré des exemples qui nous font honneur, c’est encore à l’Italie qu’en revient la plus grande gloire, de Palestrina à Carissimi. C’est elle qui, par sa technique antérieure, avait, sans en prévoir les suites, assuré les fondemens d’un art qui devait émigrer des églises dans les théâtres. La révolution commença à la cour des Médicis, et bientôt il ne fut plus de ville italienne qui n’eût son théâtre et son école. Le XVIIe siècle devait voir chez nous cette renaissance de la musique, comme le XVIe avait vu celle des lettres. Deux siècles suffiront à son évolution, et dans cet intervalle, l’art nouveau aura si universellement étendu son empire qu’il ne serait pas sans intérêt de rechercher par quelle pente insensible il s’est ainsi glissé chez tous les peuples. Le XVIIe siècle commence la révolution ; le XVIIIe la verra près de finir. Pendant ce temps, toutes les règles, tous les genres musicaux, du plus simple au plus complexe, auront été établis ou créés ; la France aura vu passer Lully, Rameau, Gluck, Grétry et bien d’autres ; l’Italie, Scarlatti, Pergolèse, Sacchini, Spontini ; l’Allemagne, Bach, Händel, Mozart, Haydn et Beethoven. D’autres viendront sans doute, mais, si grand que soit leur génie, on en pourra dire qu’ils n’ont fait, eux aussi, que glaner sur les traces des anciens, et, malgré les modifications nombreuses qu’aura subies l’art initial, on devra rapporter ses plus lointains effets à l’action première de la musique dramatique française.

Nous ne nous attarderons pas à expliquer l’état de notre musique dans les premières années du XVIIe siècle. Cela touche plutôt à l’archéologie. Peu importe que les érudits découvrent par intervalles quelque page musicale digne d’échapper à l’œuvre du temps. Louis XIII laissait un pauvre héritage à son successeur. Si la France demandait quelque plaisir à la musique, il lui venait de l’Italie. On comprend sans peine qu’après l’avènement de Louis XIV, lorsque Mazarin eut fait entendre à Paris l’opéra italien, la cour du jeune roi ait songé à acclimater en France un art dont elle goûtait les attraits. Ajoutons que la première tentative avait pleinement réussi et qu’on songea aussitôt à établir un théâtre d’opéra. Mais peut-être vaut-il mieux préciser par des dates des époques aussi importantes et d’ailleurs peu éloignées de nous.

C’est en 1669 que Pierre Perrin obtient les lettres patentes portant « permission d’établir dans la ville de Paris et autres du royaume, des académies de musique pour chanter en public des pièces de théâtre, comme il se pratique en Italie, en Allemagne et en Angleterre, pendant l’espace de douze années. » Fort de ce privilège, Perrin fonde le théâtre de la rue Mazarine, et s’associe avec