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que bien des choses que l’on propose aujourd’hui comme des innovations ont déjà été essayées, n’ont pas réussi, et ont dû être rejetées à la suite d’un examen approfondi.


II

La préparation à la guerre comprend trois parties principales : le recrutement de l’armée ; son organisation ; et la mise en marche des troupes, ce que l’on appelle aujourd’hui la mobilisation et la concentration.

Autrefois, les armées françaises se recrutaient en principe par des enrôlemens volontaires. On ne recourait à la conscription que pour compléter des effectifs trop faibles. En fait, et depuis qu’il fut devenu nécessaire de maintenir un grand nombre d’hommes sous les drapeaux, on a eu recours d’abord à des expédiens, puis la conscription a fini par former la masse principale des appelés. Jusqu’en 1872, cependant, on eut toujours soin de maintenir dans la loi que l’armée se formait d’abord par des engagemens volontaires. On ne voulait pas considérer le service militaire comme une charge imposée, c’était pour beaucoup une carrière pleine d’attraits, et l’on a eu grand tort, dans un moment d’entraînement, de repousser les volontaires, qui ont fourni tant d’excellens soldats. Quel a été le résultat de cette exclusion ? Chacun est soldat malgré soi, cherche à retarder le moment du départ, à hâter celui du retour ; et l’on sert mal avec ces sentimens-là. Tout en conservant le principe que chacun doit concourir dans la mesure de ses forces à la défense du pays, il faudrait donc laisser une plus large part au volontariat, faire en sorte que le service militaire fut un honneur et non une charge. Le mot obligatoire a toujours mal résonné aux oreilles françaises.

Mais le recrutement de l’armée par des volontaires est-il compatible avec la nécessité reconnue d’apprendre à tout le monde le métier de soldat ? Oui ; parce que si tout le monde doit pouvoir l’exercer au besoin, il n’est pas nécessaire que tout le monde serve pendant le même temps et de la même manière. Les exigences de la constitution d’une armée ne permettent même pas cette parité absolue. Aucune nation, si riche qu’elle soit, ne peut entretenir en temps de paix le nombre d’hommes qu’elle arme pour sa défense en temps de guerre. Montesquieu a fixé au centième de la population le chiffre des soldats qu’un état peut avoir d’une manière permanente, sans se détruire par là même, et l’expérience, a prouvé que si l’on dépasse ce chiffre, ce doit être de fort peu. Il eu résulte qu’au moment d’une guerre., ou doit créer des corps nouveaux ou