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effets d’habillement et d’équipement doivent seuls dépendre du ministre lui-même.

Ces dispositions sont inexécutables pour beaucoup de raisons. Il en résulte des désaccords incessans entre le ministre, responsable de l’emploi du budget, et les chefs des corps d’armée, qui, n’ayant pas à s’en préoccuper, veulent quelquefois donner des ordres engageant des dépenses. D’un autre côté, les régions ont beau être établies en vue de l’égalité de la population et, par suite, du nombre de soldats qu’elles fournissent, elles n’en sont pas moins très inégales sous les autres rapports. Montera-t-on la cavalerie légère avec les chevaux du Perche ou du Boulonnais ? Attellera-t-on les voitures du train avec les chevaux de Tarbes ou nos légers ardennais ? Est-ce la Provence qui enverra des fourrages au 15e corps, la Flandre du vin au 1er, ou la Gironde du blé au 18e, lorsqu’ils seront sur la frontière de l’Est ? Le général en campagne avec son corps d’armée n’aura pas trop de toute son attention pour diriger les troupes sous ses ordres, surveiller les mouvemens de l’ennemi, faire profiter ses soldats des ressources de la contrée qu’il occupe. Comment veut-on qu’il donne des ordres utiles à Rennes, à Nantes, ou à Toulouse, et qu’il en surveille l’exécution ? Et quand même il pourrait y faire organiser un convoi, comment en assurerait-il l’arrivée, puisqu’il faudrait le diriger à travers des territoires affectés à des collègues, qui, eux aussi, voudront se réserver l’usage des voies ferrées ? Exécuter les prescriptions légales n’est pas possible. Il s’est trouvé cependant des personnes qui ont voulu les prendre au pied de la lettre. Pour mettre leur responsabilité à couvert en s’attirant un refus, elles ont demandé la création de parcs de prolonges toutes chargées, à l’effet de nourrir sur la frontière les chevaux auvergnats avec de l’avoine et du foin d’Auvergne, les chevaux bretons avec du foin breton.

Si, maintenant, serrant la question de plus près, on considère les rapports des corps d’année avec la défense du territoire, on est surpris de voir combien les régions ont été mal délimitées. Sans doute cela importe peu pour les corps d’armée de l’intérieur, car les commandans, éloignés dès l’abord de la région, se désintéresseront de ce territoire sur lequel ils n’auront aucune action efficace ; mais les commandans de la frontière sont exposés à recevoir le choc de l’ennemi avant que la concentration des autres corps soit achevée et qu’ils puissent être secourus. Outre la part qu’ils prendront aux opérations générales de l’armée, ils auront deux autres préoccupations très graves qui suffiraient chacune à les absorber tout entiers : ils devront protéger la mobilisation et couvrir la concentration des autres troupes ; ils auront aussi à garder la frontière et à défendre les places-fortes où seront les principaux magasins des armées. Les